De la pérennisation d'un statut précaire à la lutte pour la titularisation : un regard rétrospectif sur la mobilisation des journaliers de l'Électricité du Liban (EDL).
Entre 2012 et 2015, les travailleurs journaliers de l’Électricité du Liban (EDL) entament ce qui sera considéré comme la plus longue mobilisation de l’histoire moderne du Liban. Leur mouvement éclate lorsque l’EDL annonce l’externalisation du secteur de la distribution à trois soumissionnaires privés. En rationnalisant les dépenses, ces derniers auraient licencié 70% de la force de travail journalière. A partir de la description du quotidien du travail avant l’événement contestataire ainsi que des relations sociales, professionnelles et clientélistes qui le caractérisaient, cet article s’efforce de montrer que la mobilisation n’a pas été une réaction « spasmodique » au risque imminent de la perte d’emploi. En effet, les travailleurs percevaient le travail journalier comme un tremplin vers la titularisation. L’externalisation du secteur de la distribution ne mettait donc pas seulement en danger le travail « du jour d’après », mais faisait aussi disparaitre la perspective d’accéder à l’emploi stable « un jour ou l’autre » qui leur permettait de supporter au quotidien leur position subalterne.
To cite this paper: Louis Mandarino,"De la pérennisation d'un statut précaire à la lutte pour la titularisation : un regard rétrospectif sur la mobilisation des journaliers de l'Électricité du Liban (EDL).", Civil Society Knowledge Centre, Lebanon Support, 2016-06-01 00:00:00. doi: 10.28943/CSKC.001.40003
[ONLINE]: https://civilsociety-centre.org/paper/de-la-perennisation-dun-statut-precaireIntroduction[1]
Dès le début des années 90, suite à la guerre libanaise, l'entreprise de production, gestion et distribution de l'électricité au Liban (EDL) a progressivement diminué sa masse salariale d'environ 65 % en passant de 5000 employés titulaires à seulement 1800 à l'heure actuelle.[2] Le vide laissé par la diminution de la force de travail directement employée par l'EDL a été progressivement comblé par des méthodes d’embauches à la limite de la légalité : l’emploi de travailleurs journaliers[3] enrôlés directement par EDL, ou mobilisés via des sous-traitants.[4] Entre 1995 et 2012, le nombre de journaliers opérant pour le fournisseur d'électricité libanais en interne et en externe grimpe donc de 500 à 2400 travailleurs, dépassant ainsi d’un cinquième le nombre de titulaires.[5]
L’objectif de cette pratique d’externalisation de la force de travail est simple : substituer une relation économique (avec d'autres entreprises) à de la masse salariale, ce qui permet de disposer effectivement d'une force de travail tout en se soustrayant aux coûts secondaires qu’implique l'embauche d'employés à statut contractuel régulier.[6] En effet, durant cette période, les sous-traitances mobilisées par EDL n'apportaient pas des capacités techniques supplémentaires à celles dont l’entreprise donneur d’ordre disposait déjà. Les sous-traitances étaient plutôt employées ou parfois créées ad hoc pour embaucher du personnel journalier dont l'EDL ne pouvait – ou ne souhaitait – pas assumer les responsabilités légales et les coûts directs (les salaires) et indirects (notamment l'inscription à la Caisse nationale de la sécurité sociale (CNSS)). Cependant, les sous-traitants n’étaient ni des véritables fournisseurs de services, ni des courtiers de main d’œuvre. Le courtage de cette force de travail journalière – dont EDL ne pouvait se passer – n’était pas, en réalité, géré par les sous-traitants mobilisés à cet effet, mais prescrit et contrôlé directement par le donneur d’ordre (EDL). Bref, EDL imposait aux entreprises sous-traitantes le personnel qu’elles devaient employer. Par conséquent, puisque ces entreprises étaient concrètement inactives et se limitaient à inscrire les travailleurs à leur nom, il ne s’agissait pas de véritables courtiers de main d’œuvre, mais plutôt d'un réseau de prête-noms privés, fantômes, censés embaucher des journaliers pour le compte du donneur d'ordre. EDL avait donc moins besoin des sous-traitants eux-mêmes, que des travailleurs que ces derniers mettaient à disposition de l'entreprise en assumant la responsabilité légale de leur embauche. En outre, la création d'un réseau de sous-traitants permettait de faire passer le personnel journalier embauché par les entreprises privées d'un prête-nom à un autre selon des cycles réguliers, inférieurs à trois mois, dans le but évident de garder les travailleurs en période d’essai.[7]
Pourtant, sur le terrain, du côté des travailleurs journaliers embauchés de cette façon, tandis que les prête-noms se passaient le relais, le travail continuait sans interruption : « tous les trois mois les entreprises privées changeaient, mais nous, nous continuions de travailler constamment ».[8] Bien que la rotation du personnel entre les sous-traitants maintenait – de jure – les journaliers dans une situation de précarité contractuelle, ce roulement de travailleurs entre les prête-noms n’influençait – de facto – en rien la continuité du travail et la stabilité de l'emploi. La réitération de ce processus rotatif était elle-même une sorte de garantie pour les travailleurs qui étaient conscients que tant que ce processus était renouvelé, ils auraient eu une place dans l'entreprise. Puisque la réitération pérennisait le statut précaire de journalier, paradoxalement, les travailleurs s'accoutumaient à la « stabilité dans la précarité ».[9] La perception d'une continuité du travail constamment renouvelée palliait donc, du moins en partie, d'autres formes de précarité. D’une part, une précarité contractuelle, qui ne coïncidait guère avec la réalité du travail sur le terrain et, d’autre part, une précarité économique à laquelle les travailleurs étaient soumis dans la mesure où le salaire était, en revanche, véritablement « journalier ».[10] Bref, la logique du « finalement ça marche »,[11] liée à part entière à la continuité du travail ou, pour souligner l'oxymore, à la « précarité stable », rendait la condition de journalier, somme toute et faute de mieux, tolérable. Un équilibre insoupçonné entre précarisation contractuelle et continuité du travail caractérise la condition laborieuse des journaliers jusqu'en 2012.
À partir de cette date, cet équilibre se trouve cependant bouleversé. EDL décide en effet de formaliser et de rationaliser le processus d'externalisation de l'un de ses services, le service de distribution (comptant environ 2000 journaliers), en le confiant à trois soumissionnaires privés majeurs : les Distributor Service Providers (DSP ; en français prestataires de services), via un appel d'offre public. Le contrat signé entre les nouveaux soumissionnaires prestataires de service (BUS, KVA et NEUC)[12] et EDL prévoyait la rationalisation du nombre des effectifs et notamment le renvoi de 70% des journaliers ayant précédemment opéré à EDL. Les DSP venaient rappeler aux journaliers leur statut intrinsèquement précaire. Parmi eux, presque tous ceux travaillant à EDL depuis quinze et parfois vingt ans, se seraient retrouvés subitement à la rue.
Le 2 mai 2012, en réponse à la décision d’EDL de sous-traiter le secteur de la distribution au DSP et avant même que ces derniers deviennent opérationnels, les travailleurs journaliers, réunis autour du Comité des journaliers de l'EDL (CJEDL),[13] descendent dans la rue pour revendiquer leur droit à une place dans l'entreprise. Ce jour-là, ils amorcent ce qui deviendra par la suite la plus longue grève de l'histoire libanaise moderne.
L'externalisation du secteur de la distribution met fin au système de rotation de prête-noms sous-traitants qui assuraient la continuité du travail des journaliers sur le terrain et représente en même temps un danger concret dans la mesure où la plupart d'entre eux vont perdre leur emploi du jour au lendemain. Mais peut-on se contenter de comprendre cette mobilisation sans précédent comme une réaction « spasmodique »[14] à ce risque imminent ? Ne serait-ce pas réduire cette lutte à une révolte du « ventre » pour du « pain et du beurre » ?[15]
Dans cette étude, je tenterai de montrer que la mobilisation des journaliers n'est pas seulement une riposte mécanique au danger immédiat de la perte de l'emploi, mais que l'externalisation du secteur de la distribution au DSP remet en question les arrangements existants à partir desquels avait été définie la frontière entre le tolérable et l’intolérable dans l’espace de travail de référence. Plus précisément, cette situation conjoncturelle fait s'écrouler l'univers projectionnel constitué par une dimension à très court terme (le travail du « jour d'après » ou le futur immédiat) et une dimension à long terme (la titularisation « un jour ou l’autre » ou le futur attendu) sur lequel s'ancrait la construction du tolérable. Ces projections transformaient, sur le plan de la perception, une situation précaire et désavantageuse en une condition temporaire servant de ticket d’entrée à l’emploi stable. Bref, le travail journalier devenait une file d’attente vers la titularisation, ce qui rendait la condition de travailleur journalier acceptable.
Ainsi, pour comprendre de quelle manière les revendications matérielles immédiates rentrent en résonance avec des revendications immatérielles, il s’agira de faire l'anthropologie de la construction de cette représentation du tolérable dans son espace social de référence : le lieu de travail. Il faudra, partant de là, redessiner les frontières morales de cette représentation pour comprendre de quelle manière un changement objectif de situation a pu en modifier les contours. Ensuite, il s'agira de comprendre dans quelle mesure cette modification a pu, d'une part, participer à la construction d'une solidarité professionnelle engendrant un processus de prise de parole collective et, d'autre part, légitimer la mobilisation et lui assurer la continuité.[16]
1. Être journalier à EDL avant 2012 : stabilisation d'un statut précaire
Avant la guerre civile (1975-1990) et au début des années 1990, la manière la plus simple de trouver un emploi dans le secteur public était d'avoir des connexions politiques ou, autrement dit, un piston (wasta).[17] Mais à partir de 1996, des politiques publiques visant à rationaliser les dépenses et à atténuer les coûts du travail provoquent le gel progressif des emplois dans la fonction publique, ce qui entrave, à tout le moins de prime abord, l'un des canaux essentiels dont se nourrit le clientélisme politique. Au fur et à mesure que les titulaires d’EDL partent à la retraite, le personnel est remplacé par l'embauche de journaliers mobilisés via des sous-traitants.
Cependant, même dans une configuration d'externalisation de la main d’œuvre, le modèle de recrutement par médiation politique ne change pas tout à fait : « Tu ne peux pas juste aller, te présenter et demander du travail [comme journalier]. Il te faut un piston [wasta]. T'es journalier, t'as un piston ».[18] Les travailleurs n'en font d'ailleurs pas un secret : « Le fait même d’être journalier implique que t'as une entrée politique ». Très rares sont les travailleurs qui affirment ne pas avoir eu recours à un courtage clientéliste pour être embauchés. Ils sont en revanche d’accord pour dire qu’au fond, à l'époque de leur embauche – la plupart d’entre eux travaillent à EDL depuis huit à quinze ans – obtenir un emploi journalier était chose facile car la nature des tâches à remplir n’exigeait pas de grandes capacités techniques, et parce que l'entreprise avait besoin de monde et était prête à former les nouveaux travailleurs. Malgré cela, même ceux qui sont de cet avis, avouent avoir sollicité – ou avoir préféré solliciter – des intermédiaires politiques pour y être engagés, détail important pour notre étude.
Important d’abord, car, comme le dit le proverbe, « le léopard ne change pas ses taches »… C'est-à-dire que, puisque le gel de l’embauche à EDL a limité la liberté qu’avaient les notables politiques (zu‘ama’)[19] d’imposer le personnel titulaire à leur guise, le recours aux sous-traitants semble constituer un moyen alternatif de garder un certain contrôle sur les recrutements. À ce niveau, nous gagnerions à connaître quels types de relations, amicales et/ou économiques, lient ces sociétés privées aux zu‘ama’ car cela nous permettrait de faire émerger les relations entre politique onstage (publique)[20] prônant la rationalisation des coûts liés à l'emploi, et politique backstage (des coulisses)[21] contournant ou réaménageant la première sur le terrain en s’appuyant sur le favoritisme et le clientélisme. Cela serait intéressant, donc, dans la mesure où connaître les relations entre acteurs politiques et acteurs privés soumissionnaires nous informerait corrélativement sur la capacité du clientélisme à se renouveler et celle de ses protagonistes à s'adapter aux configurations économiques modernes produites par la libéralisation et l'intégration de partenaires privés dans le fonctionnement de la chose publique et de ses institutions. Le clientélisme, cette forme privée de l'autorité, en concurrence (souvent seulement apparente) avec celle de l'État ne paraît pas, tel le léopard, avoir changé ses « taches ». Cela dit, ce type d’enquête n'est pas évident car le clientélisme prend souvent la forme de relations amicales « ce qu’elles ne sont pas toujours ».[22]
Deuxièmement, et cela nous intéresse ici davantage, car bien que les travailleurs affirment qu'il n'est pas nécessaire de passer par des médiateurs de clientèle pour obtenir un travail, quand bien même ils y passent. Cette contradiction entre le « dire » et le « faire » n’exprime pas, cependant, une « culture du piston » libanaise, voire méditerranéenne. Certes, les travailleurs savent que le piston l’emporte le plus souvent sur la compétence – « la compétence au Liban est importante, mais le piston l’est beaucoup plus ! »,[23] mais ce n’est pas pour cela qu’ils choisissent de passer par la recommandation d’un politique ou d’un de ses médiateurs. En effet, même lorsqu’il n’en a pas besoin, le piston assure un certain degré de protection à celui qui peut mobiliser la médiation d’un cheikh, d’un za’im, d’une personnalité haut placée pour obtenir un emploi. C’est pourquoi, il s'agit moins, à mon sens, de ce que Michael Johnson définit comme « wasta mentality »[24] que d'un choix pragmatique, dans la mesure où passer par une médiation de clientèle implique, pour celui qui l'obtient, l'inscription dans une relation à partir de laquelle il pourra potentiellement accéder à d'autres ressources et tirer d'autres avantages par la suite. En l’occurrence, dans le cas du travailleur journalier, statut irrégulier et pas protégé par la loi, l'inscription dans un réseau de clientèle lui procure une tutelle informelle qui substitue celle que le droit ne lui assure pas. Dans ce sens, l'absence de droit formel ne signifie pas l'absence de droit. Dans d'autres contextes,[25] j'ai pu montrer que là où la protection du droit institutionnalisé ne couvre pas, ou pas entièrement, les relations de travail, les travailleurs semblant, de prime abord, plus marginaux parviennent souvent à se procurer d'autres formes de garanties en s'inscrivant dans des réseaux infra-étatiques de protection qui sont, très souvent, les mêmes réseaux qui les empêchent de passer sous la protection du droit du travail.[26]
En fait, la personnalisation du rapport et des intérêts qui lient le travailleur/client au za’im/patron constitue un obstacle majeur à la formation d’une solidarité professionnelle et contribue à empêcher l’action commune de faire évoluer les conditions « collectives » de travail. Cela est dû au fait que cette personnalisation des rapports tend à favoriser des stratégies « individuelles » pour l’amélioration des statuts professionnels et, donc, des logiques utilitaristes qui fragmentent – ou ont tendance à fragmenter – le collectif de travail. Dans ce sens, la monopolisation des canaux d’ascension professionnelle, en sapant les stratégies collectives de revendication, conforte et participe du maintien de la condition d’exploitation dans laquelle se trouve déjà la force de travail journalière. Cela dit, la clientélisation des effectifs n’est pas seulement un dispositif de subordination de la main d’œuvre. Il faut savoir que, pour ceux qui sont insérés dans les circuits de clientèle, cette relation de proximité donne aussi des avantages immédiats. D’abord, parce que le travailleur pistonné ne peut pas être licencié sans l’accord préalable du courtier qui l’a fait embauché. Ensuite, parce qu’il peut s’adresser à son courtier pour formuler des demandes qui autrement, dans un contexte où les syndicats sont absents,[27] ne trouveraient pas d’autres intermédiaires, et qui formulées directement auprès des supérieurs hiérarchiques pourraient conduire à son licenciement ou à d’autres formes de pression ou de marginalisation professionnelle et sociale (transfert, rétrogradation, etc.). [28] Par conséquent, le rapport de clientèle donne au travailleur journalier des ressources rares dans un contexte de forte vulnérabilité de la main d’œuvre.
Les réseaux clientélistes fonctionnent alors à la fois comme des dispositifs de subordination – ou de cristallisation de celle-ci –[29] et comme des dispositifs tutélaire. Tant que la relation de clientèle est perçue comme une forme de protection (dans l’immédiat) et comme un canal d’accès aux ressources (à moyen ou à long terme), elle est davantage vécue comme un arrangement acceptable et légitime que comme un mécanisme d'assujettissement de la part des clients.[30] Bien entendu, cet équilibre peut basculer à tout moment.
2. Le statut de journalier comme file d'attente vers la titularisation
Concrètement, la relation clientéliste permet au journalier qui l'exploite d'obtenir un emploi, mais aussi – et surtout – de le garder. La relation de clientèle qui s'établit informellement « stabilise » par conséquent la précarité formelle à laquelle le travailleur journalier est soumis contractuellement. En outre, au moment de l'embauche, le travail journalier est présenté par les courtiers comme un tremplin vers la titularisation : « quand le député … m’a débrouillé ce travail [sic], il m'a assuré que je serais titularisé tôt ou tard ».[31] Les propos de cet employé concordent avec ceux de ses collègues, « c'est un peu l'histoire de tout le monde ».[32] La promesse de titularisation est successivement reconduite lorsque les travailleurs adressent des doléances à leur courtiers : « il me disait tout le temps : mais oui on va t'arranger, mais oui tu seras titularisé ».[33] Si dans la politique onstage les institutions encouragent le gel des emplois dans le secteur public, dans le backstage, c'est-à-dire dans le processus de recrutement et de gestion de la main d’œuvre, certains des responsables institutionnels qui prônent eux-mêmes cette politique, font des promesses qui, au contraire, renvoient à l'intégration de leur clients dans l'EDL et ont des relations (occultes) d’intérêt réciproque avec les sous-traitants qui les embauchent.[34]
Au-delà de la promesse, la titularisation est perçue comme étant le prolongement naturel d'une carrière marquée par les sacrifices consentis pour l'entreprise, au redressement de laquelle ils ont participé durant l'après-guerre. « EDL est vivante dans notre sang ! Si ça fait vingt ans que tu travailles à l'EDL, c’est clair que tu vas finir par réaliser ton rêve [la titularisation] ». Le sacrifice représente l’unité de mesure dans le calcul du mérite et, donc, le droit à la titularisation. Bref, celle-ci est conçue comme le résultat logique de ce parcours :
« Maintenant, c'est vrai que le gouvernement a interdit les embauches dans la fonction publique, mais d’un autre côté, comme il y a des gens qui partent progressivement à la retraite, qui, à votre avis, prendra le relais ? Qui a le plus le droit de prendre leur place ? Les gens qui font déjà partie d’EDL, c'est logique ! ».[35]
En outre, la distance, voire l'absence totale des responsables juridiques (les sous-traitants) sur le lieu de travail conforte, du côté des travailleurs, l'idée d'un lien direct avec EDL et, par conséquent, du travail journalier comme file d'attente vers la titularisation. En fait, malgré le lien qui existe – de jure – entre eux et les sous-traitants, l'éclatement de la relation de travail entre employeur dirigeant réellement le travail et employé journalier est seulement apparent. Le relâchement des liens entre employeur – de facto – et employé n'est pas concret ou, en tout cas, n'est pas perçu en tant que tel : la fonction comminatoire de la surveillance et de la sanction sont l'apanage de l'employeur qui dirige de fait le travail. La voiture mise à disposition pour les déplacements, le portable professionnel, les vêtements de travail, tout porte le logo d’EDL. Vue sous cet angle, la relation de travail avec EDL est très claire aux yeux des journaliers. Le rapport salarial lui-même n'est pas établi avec le sous-traitant : c'est EDL qui paye – cash – les journaliers. En outre, la relation de travail entre journalier et sous-traitant n’est – très souvent – pas légitimée par le rituel de la signature du contrat. Il était monnaie courante d'inscrire arbitrairement les travailleurs journaliers au nom de l'un ou l'autre des sous-traitants sans qu'ils signent, ou même qu'ils connaissent le nom ou le visage de leur responsable légal. La plupart du temps, les travailleurs étaient informés de l’identité de leur responsable légal par l’affichage de leurs noms sur un tableau se trouvant dans les locaux de l'EDL suivi du nom de l'entreprise sous-traitante à laquelle ils avaient été rattachés. La relation entre eux était tellement lâche, voire inexistante, que lorsque j'ai demandé à un employé de me dire pour quelle/s entreprise/s il avait travaillé avant l'arrivée des DSP, ne sachant pas me répondre, il m'a dit :
« Je ne sais pas comment s’appelaient ces entreprises, je n'ai jamais signé de contrat avec eux. Par contre, je peux vous dire qui m'a fait embaucher : c'est un ami de mon père, un homme politique qui s'appelle… et qui est actuellement ministre du … Et je peux aussi vous dire pour qui je travaillais jour après jour pendant quinze ans : je travaillais pour EDL ».[36]
Ce journalier employé dans les usines de production de l'électricité conduisait un camion, propriété d’EDL, pointait avec une carte fournie par EDL et portant son logo et recevait sa paye d’un employé statutaire d’EDL. La plupart des interviewés n’ont pas été en mesure de me citer le nom des entreprises sous-traitantes auxquelles ils avaient été affiliés. Certains avaient un vague souvenir de quelques noms de sous-traitants, mais ils n'étaient pas à même de m'assurer avoir travaillé pour eux ou pour d'autres. Les relations de travail tout comme la relation salariale étaient gérées directement par EDL. Pour cela, l'éclatement du rapport de travail entre employeur réel et employé externalisé que la présence de sous-traitants a tendance à produire n’avait pas lieu ou n'était pas perçu par les travailleurs.
La relation concrète avec l'EDL et la continuité de l'emploi qui restait assurée malgré et tant que les sous-traitants se relayaient, consolidaient la perception du travail journalier comme passage intermédiaire et temporaire vers la titularisation. La perception de l'emploi journalier comme file d'attente en vue de la titularisation se révèle dans la construction d'un futur projeté ou imaginé, où la titularisation est espérée dans le cadre d'un calcul rationnel conforté par la promesse faite lors de l'embauche et renouvelée de temps à autre par les patrons de clientèle. Cela se traduit par la conviction que « ça va venir ». « Allez, cette semaine, ce mois-ci, demain, demain, demain... ».[37] C'est sur la base de ce demain convoité que la précarité économique, qui force très souvent les journaliers à trouver un deuxième emploi, est tolérée. Le travail journalier n'est pas seulement envisagé comme un travail « faute de mieux », mais aussi comme un investissement pour le futur :
« Moi j'aspirais à être embauché par EDL. C'est sur la base de cet accord que j'ai été engagé et c'est pour cette raison que j'ai accepté de travailler. Je regardais devant moi, je misais sur ce travail et je travaillais bien dans l'attente d’être titularisé. Si j'avais quitté EDL et qu’un ou deux ans après ils avaient titularisé les journaliers et que j’avais perdu l'occasion, j’aurais pété un câble ».[38]
Fermer les yeux face à l’injustice perçue
Le fait de tolérer l’insécurité contractuelle et économique en vue d'un projet futur, ne signifie cependant pas que le sentiment d'injustice est absent. Au-delà du projet de titularisation, ce qui compensait ce sentiment avant 2012 était la continuité du travail et, par conséquent, le salaire garanti bien que modeste.
En fait, si la sous-traitance constituait, en définitive, un moyen réel de contournement de l'État social et de clientélisation des recrutements plus qu'un véritable fournisseur de services indispensables à EDL, le travail du journalier sur le terrain était essentiel : « c'est nous qui faisons marcher cette entreprise. Si nous arrêtons le travail, il n’y a plus d’électricité ».[39] Puisque le roulement des sous-traitants ne menaçait pas la continuité du travail des journaliers, la précarité contractuelle ne se traduisait pas par la précarité de l'emploi. Au contraire, les journaliers s'accoutumaient à « l'étrange » équilibre de la stabilité dans la précarité. À cet égard, il n'est pas sans importance de souligner que nous n’avons pas à faire au modèle de travail journalier que l'on peut retrouver dans d'autres contextes. Il ne s'agit pas du travail « au jour le jour » qui caractérise le quotidien d'armées de sans emploi qui se rassemblent aux coins des routes pour vendre leur force de travail à la journée, que ce soit en Inde,[40] au Liban, mais aussi dans la rive nord de la Méditerranée comme en Italie, par exemple, où les « caporali » recrutent les migrants venus travailler durant les saisons des récoltes.[41]
La marginalité de l'emploi journalier par rapport à l'emploi à statut permanent était néanmoins ressentie par les acteurs, ce qui ne manquait pas d’engendrer un mécontentement parmi les travailleurs. L'expérience de l'injustice sur le lieu de travail – entendu comme espace physique, mais aussi comme espace de socialisation où les travailleurs se côtoient et formulent leurs représentations – est, en fait, une expérience ordinaire. L’injustice subie est évaluée et jugée comme telle au quotidien : elle est perçue, mais tolérée. Par conséquent, tout comme la présence d’un sentiment d’injustice n’entraine pas « nécessairement » une réaction, l’événement d’une contestation est moins l’indice de la présence de ce sentiment (ou de son apparition soudaine) qu’un indice du fait que les arrangements sur la base desquels l’injustice était tolérée ont changé.
Mais voyons quels types d’expériences étaient jugés comme injustes et sur la base de quels éléments ces expériences « ordinaires » d’injustice étaient tolérées.[42] La proximité entre employés titulaires d’EDL et employés journaliers externalisés accomplissant des tâches similaires, n'était pas sans rappeler à ces derniers que, malgré la ressemblance des tâches, une différence foncière était instituée entre les membres d'une même équipe. Si le travail fourni était le même, les salaires et les droits sociaux accordés aux uns et aux autres ne l'étaient pas. Dans les témoignages des journaliers, l’expression d'un sentiment d'injustice est moins liée à leur marginalisation contractuelle, qui est à la base de cette différenciation, qu’aux discriminations matérielles qu'elle produit :
« Je suis journalier depuis quinze ans et ça fait quinze ans que je travaille avec des employés titulaires. Mais moi je suis plus jeune, je suis plus productif. Chaque jour, lui, titulaire, me regarde bosser, les bras croisés. Seulement, lui touche 2000$ par mois, quand moi je n’arrive pas à 500 $. Il n’y a ni loi, ni justice. A ce prix, pourquoi travailler quand les autres se tournent les pouces ? Ça me soûlait, ça m'énervait ! ».[43]
La discrimination matérielle est tolérée tant que le journalier arrive à se projeter dans un « demain immédiat » (le jour d'après), où le travail et le salaire restent sûrs, et dans un « demain attendu » (la titularisation un jour ou l'autre) où cette différenciation sera abrogée. En fait, la proximité entre journaliers et titulaires ne crée pas seulement un sentiment d'injustice, mais corrobore la représentation de ce qu'est – et de ce que sera ou devrait être – le travail. Les collègues titulaires, plus vieux et mieux rémunérés sont l’image de ce que sera le travail du journalier « demain ». Les journaliers prendront la place des titulaires au fur et à mesure que ces derniers partiront à la retraite car « c’est naturel »[44] : d’une part car le roulement générationnel imposera le renouveau des effectifs titulaires et, d’autre part, car ce sont eux qui ont le plus d’expérience et le plus droit à cette place gagnée au prix de tant de sacrifice. Dans ce sens, le sentiment d'injustice tout comme son acceptation ne sont pas indépendants du contexte de travail dans lequel ils se produisent, et la construction du tolérable se révèle être à la fois l'issue de la situation présente et de celle qui est projetée et attendue. Le silence face à l'injustice ne veut pas dire qu’il n’y en a pas. Les arrangements sur lesquels se base la représentation du tolérable, et en particulier l'accoutumance à cette précarité stable d'une part, et la projection dans le futur de l'autre, favorisent des attitudes de l'ordre de l'attentisme et de l'acceptation : « On fermait les yeux sur beaucoup de choses dans la mesure où nous étions en train de toucher un salaire et de travailler ».[45] Le choix de tolérer, de faire « pas de côté par rapport aux exigences de justice »[46] est alors l’issu d’une construction située du tolérable.
3. De la file d'attente à l’ascenseur pour l'échafaud
L'équilibre entre précarité contractuelle et continuité du travail, qui s'était construit de façon informelle mais concrète sur la durée, se trouve bouleversé en 2012 avec l'externalisation effective du service de la distribution d’EDL.[47] Le travail est ainsi menacé : seulement 30 % des journaliers en conserveront un et, de plus, de manière temporaire seulement, si le contrat des DSP (quatre ans) n'est pas reconduit. Mais peut-on s’arrêter à ce constat pour comprendre la réaction des journaliers d’EDL ?[48] S'agit-il d'une riposte mécanique à ce danger immédiat ? Autrement dit, peut-on comprendre cet événement sans interroger le quotidien qui le précède ?
Mon interprétation de la mobilisation s’intéressera davantage à la relation entre ce quotidien et l'événement qu’à l'événement lui-même. De même, et en deçà de l'interprétation en termes de réaction « spasmodique » ou de récupération politique qui a été proposée par les médias libanais,[49] je chercherai à cerner les éléments qui ont permis la cristallisation d'une solidarité professionnelle et la légitimation d'une action durable et reconductible parmi les travailleurs. Cela, non pas pour infirmer l'hypothèse de récupération politique du mouvement, mais plutôt pour apporter de nouveaux éléments à la reconstruction de la mosaïque complexe à travers laquelle il est possible de comprendre – davantage que d'expliquer – cette mobilisation sans précédent au Liban.
Historique des mobilisations encadrées par le CJEDL[50]
Bilan protestataire des actions encadrées par le CJEDL
Revendications portées par le CJEDL à l'EDL, au ministère de l'Énergie et de l’Eau et au gouvernement
Résultats
Situation présente
Quelques mobilisations éparses dénonçant le retard dans le paiement des salaires des employés travaillant pour les soumissionnaires (DSP) ou pour leurs partenaires sous-traitants ou, encore, le non paiement de jours de congés maladie.[51] |
Revendiquer « le » travail
Avec la délégation de la gestion du service de la distribution au DSP, ce n'est pas seulement un poste de travail, mais aussi les arrangements sur lesquels s'était fondée la construction du tolérable qui se trouvent mis en porte-à-faux du jour au lendemain. Au cours de cet article j'ai pu montrer que l'injustice était perçue et jugée comme telle dans les situations de travail ordinaires qui ont précédé le temps du conflit,[52] mais qu'elle était tolérée en s'appuyant sur la projection dans le jour d'après (le demain immédiat), dans lequel le travail restait assuré, et sur la projection dans le futur (le demain attendu ou imaginé) construit autour du projet de la titularisation. Ces projections définissaient les contours de l'espace moral à l'intérieur duquel les injustices ordinaires étaient tolérées. Sous cet angle, l'arrivée des DSP ne met pas seulement en danger le travail du jour d'après, mais bouleverse aussi les représentations construites sur la durée autour du travail, c'est-à-dire les arrangements informels qui confortaient la conception du travail de journalier comme file d'attente vers la titularisation.
Cet événement ne produit donc pas seulement un danger immédiat mais déçoit les attentes que les journaliers avaient construites durant et autour du travail sur la durée. Or, ces attentes ne sont pas seulement imaginaires, mais ont un sens concret pour les acteurs car elles sont le résultat pratique d'arrangements concrets. Dans ce sens, la titularisation, promise par les patrons de clientèle, assurée verbalement par les cadres, gagnée par l'investissement de soi et par le sacrifice consenti pour l'entreprise durant plusieurs années, est plus qu'une simple attente, elle est le fruit d'un accord implicite entre les acteurs : elle est envisagée et entendue comme un droit. Elle est partie intégrante d'une déontologie établie entre les travailleurs et leurs responsables politiques et professionnels par des échanges matériels et immatériels. Elle n'est donc pas seulement une projection de l'esprit. Elle est moins qu'une certitude, certes, mais elle n'est pas qu'une chimère. L'attente de la titularisation pallie l'injustice ordinaire et nourrit l'espoir pour le futur. Comme le faisait remarquer Hobsbawm dans son célèbre Les bandits, « les hommes peuvent, et en général doivent, vivre sans justice, mais ils ne peuvent pas vivre sans espoir ».[53]
La destruction des attentes des travailleurs est alors en même temps la déstabilisation des arrangements concrets sur lesquels se fondaient les relations et les échanges entre responsables et employés ; elle est aussi la violation de l'espace moral qui définissait ce qui peut être toléré et ce qui ne peut pas l’être. Cette violation joue un rôle important dans le processus de mobilisation car la définition de ce qui est juste et de ce qui ne l'est pas détermine en même temps la définition de ce que l'on est en droit de revendiquer. Les travailleurs fondent leurs jugements sur la base du respect et de la violation des règles implicites découlant de la relation de travail dans laquelle ils se trouvent et dans laquelle ils acceptent d'opérer. Ils se saisissent des règles du « jeu » : ils ont « le sens [de ce] jeu ».[54] L'externalisation de la distribution aux DSP viole les règles à la base de cet accord implicite qui fait du travail journalier une carte d'entrée dans l'entreprise ; viole un droit auquel on accède après des années de sacrifice. Le journalier qui se croyait inscrit dans un chemin tracé vers la titularisation s'aperçoit que ce qu'il considérait comme une file d'attente s'est soudain transformé en un ascenseur pour l'échafaud.
Ainsi, prendre au sérieux les représentations que les acteurs se font de leur situation concrète dans l'espace de travail où ils sont inscrits localement, est une condition préalable à la compréhension des relations entre revendications matérielles et légitimité locale, qui est aussi morale, des revendications. Le local étant l’espace physique où ont lieu les échanges professionnels, mais aussi l’espace social où ces échanges prennent du sens pour les acteurs qu’y sont impliqués.
Avec l'arrivée des DSP en 2012, la revendication principale des journaliers se résumait à la titularisation directe de tout le personnel (à statut) précaire à EDL.[55] Il est intéressant de remarquer que la revendication de l'embauche collective auprès des DSP est apparue tardivement et qu'elle est restée au second plan durant toute la période de la mobilisation. Les DSP entrants auraient, en fait, assuré la contractualisation des travailleurs journaliers leur donnant ainsi accès à l'ensemble des droits sociaux dont ils avaient été exclus et un salaire nettement plus important (de 500$ environ à 1500-2000$ par mois).[56] Par conséquent, le fait que cette revendication demeure finalement une revendication tardive et « faute de mieux » par rapport à celle de la titularisation, montre bien que ce n'est pas seulement « un » travail dans l'entreprise que l'on revendique, mais « le » travail à statut permanent. Le caractère précaire de journalier était auparavant dissimulé par sa pérennisation réelle, tandis que la contractualisation (temporaire) auprès des DSP aurait donné aux travailleurs un statut certes plus avantageux, mais paradoxalement plus précaire – en termes de stabilité (réelle ou perçue) de l'emploi. Bref, elle aurait, à moyen terme, interrompu, plutôt qu'assuré, la continuité du travail.
En effet, les travailleurs ne revendiquent pas seulement une place dans l'entreprise ou son renouveau, mais aussi et surtout le droit à cette place. Ils ne revendiquent pas « un » travail quelconque, mais « le » travail convoité. Ils rappellent aux responsables politiques et professionnels qui doivent l'entendre la fonction de tremplin que des années de précarité stable auraient dû finir par rétribuer. Dans ce sens, la revendication de l'embauche collective auprès d’EDL peut aussi être interprétée comme un refus de la précarité que la contractualisation temporaire auprès des DSP aurait impliqué. Ce sont alors à la fois la sécurité du travail du jour d'après que le travail de journalier assurait malgré sa précarité formelle, et la titularisation un jour que le travail de journalier avait légitimé sur la durée qui sont revendiqués.
Cela dit, il s'agit moins d'une lutte pour garder l'emploi que d'une lutte pour restaurer les arrangements précédents sur lesquels s'était fondée la représentation du futur et, ad minima, d'une lutte visant la renégociation concernant le présent et des garanties pour le futur.
Qui sont les « voyous » ?
Au-delà des licenciements qu'elle aurait engendré, l'externalisation du secteur de la distribution a un impact direct sur le cadre des accords implicites façonnés sur la durée et impliquant les responsables politiques et professionnels d'une part, et les journaliers de l'autre. Par conséquent, la légitimation de la revendication implique la délégitimation de ces accords et la rupture du lien de confiance entre les partenaires qui les ont conclus. Des affirmations rapportées par la presse telles que : « l'État nous a menti et nous ne le croyons plus »[57] et « nous sommes les boucs émissaires ici »[58] montrent bien le manque de confiance généralisé envers l'État qui est perçu comme étant à l’origine du tort subi, plutôt que comme venant le réparer. Or, puisqu'un rapport personnalisé lie – ou liait – un nombre significatif de journaliers à des responsables politiques en chair et os, l'État n'est pas à entendre seulement comme une entité abstraite ou rationnelle-légale, car les responsables politiques opérant comme courtiers clientélistes promeuvent eux-mêmes, le plus souvent, l'absence de distinction entre la fonction et son titulaire.
Vue sous cet angle, la défiance envers l'État renvoie en même temps à la rupture (à tout le moins momentanée) des liens personnalisés entre les travailleurs et l'État dont les intermédiaires se saisissent du nom, du rôle et de la fonction. La délégitimation de l'État-Providence est allée de pair avec la délégitimation des rapports personnalisés entre travailleurs et médiateurs clientélistes jouant des rôles importants au parlement ou auprès des sections de parti. A travers les entretiens, apparaît le basculement d'un rapport de confiance à un rapport de conflictualité. Des négociations entre travailleurs et acteurs politiques impliqués dans des réseaux de clientèle ont précédé ou accompagné les revendications menées publiquement, mais elles n'ont pas abouti, du moins dans un premier temps :
« Enquêteur : Avez-vous cherché du soutien auprès de votre contact politique, celui qui vous avait aidé à être embauché comme journalier ? Interviewé : Bien sûr, c'est la première chose que j'ai faite, moi comme d'autres. Nous avons consulté nos intermédiaires [politiques], ils nous ont dit, ne vous inquiétez pas, on s'en occupe, mais vous savez, ils vous disent qu'ils vont faire quelque chose, ils vous donnent une tape sur l'épaule et ils vous renvoient à la maison. Après c'est fini. Il n'y a pas de suite, ce ne sont que des paroles en l'air, tout comme la titularisation ! ».[59]
De ce point de vue, un comité de travailleurs[60] était plus rapidement et plus efficacement à même de répondre aux demandes d'un groupe social solidarisé par des revendications de type socio-économique similaires et de réunir des travailleurs préalablement inscrits dans des réseaux d'interconnaissance constitués sur la durée. Le risque imminent et évident de la perte de l'emploi constituait un mobile particulièrement fort pour solidariser les travailleurs autour d'une cause commune. « Le train vers la titularisation s'est arrêté et aux travailleurs qui avaient payé le billet on a dit qu'il a changé de destination et que, du coup, ils doivent descendre ». C'est de cette manière qu'un travailleur me décrivait sa « course » vers la titularisation. Les canaux d'ascension professionnelle paraissaient bouchés en 2012, y compris ceux « creusés » par les relations de clientèle. Les médiateurs politiques pouvant intercéder pour le compte des travailleurs étaient désormais perçus comme étant les mêmes acteurs qui étaient à la base du projet d'externalisation du secteur de la distribution. Il fallait donc trouver d'autres moyens de faire entendre sa voix.
À ce propos, le mouvement des journaliers s'est distingué, au-delà de sa durée, par sa dureté et par des moyens revendicatifs souvent violents et parfois spectaculaires.[61] Les remarques précédentes aideront peut-être à mieux comprendre le recours à la violence de la part des journaliers lors des actions revendicatives. La question qui se pose est en fait moins de savoir s'il s'agit de méthodes de « voyous » telles que les décrivent parfois les acteurs institutionnels,[62] que de saisir dans quelle mesure les acteurs en révolte trouvent ces moyens légitimes.
Le recours à des « bad manners » par certains journaliers de l'EDL n’a pas été juste une réaction de la part d’individus enragés, mais un choix raisonné fait collectivement. Par exemple, l'immolation d'un travailleur – finalement sauvé par ses collègues[63] – devant le siège central de l'EDL avait été discuté et approuvé en assemblée. Cet exemple montre que l’action revendicative dure et parfois violente n’a pas été l’initiative individuelle de quelques « voyous », mais qu’elle découlait de décisions stratégiques prises en assemblée :
« On en avait marre de faire des trucs dont personne ne se souciait. Si nous faisions de petites manifestations, personne n’y prêtait attention, si nous sollicitions des personnes haut placées, personne n’écoutait. On n’en pouvait plus ! Du coup, nous avons mené une guerre à la dure, qui allait même à l’encontre de nos convictions. Nous voulions être écoutés ! J'ai demandé aux gens de la presse une fois, si demain on vient et on coupe l'autoroute et on brûle des pneus vous viendrez ? Ils m'ont répondu oui, bien sûr. Puis j'ai demandé : si on jette des roses vous viendrez ? Ils m'ont dit non. Qu'est ce que cela veut dire ? »[64]
Il ne s'agit pas de « voyous » qui ne connaissent pas d'autres manière d'exprimer leurs doléances. Du moins, ils ne le sont pas aux yeux de leurs collègues. Pour ces derniers, ceux qui brûlent les pneus et bloquent les routes ne sont pas forcément des voyous. Si, pour le peuple, Robin des bois n'est pas un hors-la-loi, mais un redresseur de torts qui pour combattre la misère recourt, si nécessaire, à la violence,[65] les bad manners des journaliers sont légitimées par le fait qu’elles constituent à leurs yeux le seul moyen concret de faire entendre leur voix, de revendiquer le droit à la titularisation et, par conséquent, d’obtenir justice.
Conclusion
« Vrai » et « faux » travail ?
Le phénomène du travail journalier touche au Liban l'ensemble des entreprises publiques et l'ensemble des métiers exercés en leur sein ; il n'est donc pas seulement l'apanage d’EDL. L'entreprise de l'Eau chargée de la distribution dans la circonscription de Beyrouth et du Mont Liban emploie 1308 travailleurs dont 558 statutaires et 750 journaliers. La répartition des effectifs auprès de l'entreprise de l'Eau chargée de l'approvisionnement au Liban du sud est aussi marquée par une majorité d'employés journaliers : 589 travailleurs sont rémunérés sur la base des heures de prestations fournies à la journée, et seulement 243 employés ont un CDI. Pour ce qui est de la force de travail mobilisée par l'entreprise de l'Eau responsable de la circonscription du Liban-Nord, 255 travailleurs sont journaliers sur un total de 575. La compagnie aérienne nationale (à participation publique) Middle East Airlines emploie 2000 travailleurs journaliers et 2000 travailleurs à statut permanent. Au port de Beyrouth, sur 1050 employés 500 sont des journaliers.[66] Dans ces entreprises, cette forme « dérégulée » de travail salarié – dans le sens où il n'est régulé par le code du travail que très partiellement – progresse de manière quasi proportionnelle à la régression du travail salarié à statut.
Dans cette perspective, la généralisation du travail journalier qui serait « clandestin » – pas seulement en ce qu'il échappe à la règle du droit, mais plutôt en ce qu'il échappe à la procédure supposée normale de mise à disposition de sa force de travail en échange de rémunération – invite à s'interroger sur la notion de travail elle-même. En effet, la forme – supposément – « normale » de travail, stable et permanent (le travail salarié à statut) perd aujourd'hui sa structure de masse et, avec elle, sa « normalité ». Dans la morphologie des rapports salariaux qui agencent les relations de travail, les formes « périphériques » du salariat telles que le travail précaire et, a fortiori, journalier, représentent de moins en moins des formes de travail « de la marge » et gagnent de plus en plus le « centre ».[67]
Il s'agit alors de mettre en cause l'idée « étriquée » et « morale »[68] de ce qu'est le travail et qui réduit notamment le travail à statut à la seule forme de « vrai » travail, car stable et régulé, par opposition aux formes subalternes, précaires et informelles de travail qui produiraient exclusivement de l'insécurité à tous les niveaux : insécurité de l'emploi, insécurité économique et donc insécurité sociale. Cette distinction manichéenne entre travail « formel » et « informel », qui renvoie simultanément à l'idée de « bon et mauvais », « vrai et faux » travail, au lieu d’apporter des réponses, évacue la question de quelle forme prend ce travail dans le contexte de son exercice et quelle valeur les acteurs lui accordent.
Dans cette étude, j'ai essayé de regarder le travail dans la perspective de ceux qui le font pour comprendre de quelle manière les acteurs envisagent leur activité, et quelle valeur ils lui accordent dans l'immédiat, mais aussi à long terme. Interroger le travail journalier en termes de stabilité et d'instabilité de l'emploi et du rapport salarial et, donc, plus généralement, de continuité du travail, permet de sortir des caractérisations manichéennes et européo-centrées qui relèguent les formes subalternes du travail à la marge des relations professionnelles tout en marginalisant les acteurs et leurs ressources protestataires à la périphérie de la sociologie et de l'histoire.
Abandonner l'idée de « centre » et de « périphérie » des relations professionnelles permet tout à la fois d'abandonner la « paresseuse »[69] notion de « mobilisation improbable »[70] qui consiste à faire des mobilisations de première et de deuxième division. Ce nominalisme misérabiliste vis-à-vis des actions d'acteurs soumis à des formes d'exploitations variées, ne nous apporte pas davantage de connaissance par rapport aux formes prises par l'exploitation et aux processus de mobilisation. Il pousse en fait à s'attacher davantage à décrire en quoi une mobilisation est improbable et moins à en comprendre la complexité et les conditions de possibilité. J'ai, par conséquent, refusé l'usage du terme « informalité » quand il renvoie à la description de typologies de travail, et de l’expression « mobilisation improbable » pour désigner le type de protestation menée, convaincu que ces termes sont vidés de valeur heuristique.
Il est d'ailleurs significatif que l'une des protestations les plus emblématiques de l'histoire des luttes dans le monde du travail libanais soit portée par une des franges – de prime abord – les plus vulnérables du salariat libanais. Comme quoi, marginalisation des ressources protestataires et de l'action collective n’est pas nécessairement fonction de la « marginalisation » de la force de travail.
Le cas des journaliers de l'EDL montre que la stabilité et la précarité sont tout d'abord des représentations subjectives étroitement liées aux contextes de travail et aux agencements entre les acteurs qui y sont en relation, dans et hors du lieu de travail lui-même. Il en va de même pour la construction des représentations de justice et du tolérable qui ne sont pas indépendantes du contexte de leur production. Pour ce qu'il en est des revendications, ce cas de figure montre qu'elles se trouvent marquées par ces représentations lors des confrontations. Toutefois, le sentiment d'injustice ne se manifeste pas nécessairement lors des conflictualités, mais peut très bien être exprimé dans des situations ordinaires sans que cela enclenche des actions revendicatives.
Reste une remarque à propos de ce qu'est le travail. Si d'un point de vue analytique il convient de se défaire des notions de centre et de périphérie des rapports salariaux car, finalement, elles nous disent très peu de la forme que le travail prend localement, il n’en demeure pas moins que le « vrai » travail demeure une représentation sociale bien ancrée dans les interprétations que les acteurs donnent de ce que le travail devrait être. En d'autres termes, même si les travailleurs journaliers dont il est question dans cet article décrivent leur travail comme stable, la forme de travail convoitée reste celle du travail à statut. Tout comme pour les travailleurs journaliers indiens le « naukri » (emploi permanent à statut)[71] reste l'emploi par excellence donnant accès à une certain degré de prestige social, ou pour les travailleurs de l'usine métallurgique EISCO en Egypte l'« istiqrâr » (la stabilité de l'emploi et, par extension, l'emploi à statut et la stabilité sociale)[72] peut être envisagé dans les termes de seul « vrai travail », pour les journaliers de l'EDL, le « tathbît » (la titularisation et, par conséquent, l'emploi statutaire) reste la forme convoitée de travail entendu comme forme première d'appartenance à la société.[73] Le travail à statut reste donc une institution sociale que la libéralisation du marché du travail et la marchandisation du salariat auront du mal à faire disparaître.
[1] Cette étude se base sur une enquête de terrain menée durant cinq mois en 2015 et notamment sur un corpus d'une quarantaine d'entretiens avec des travailleurs journaliers dont une vingtaine de type biographique. Pour des raisons de confidentialité, l’anonymat des travailleurs interviewés a été conservé. Dans cet article j’utiliserai une translittération simplifiée de l’arabe.
[2] Source : Lebanese Labor Watch (LLW), « Al-muyawimuna fi-l-idarati-l-’ammati wa-l-masalihi al-mustaqillati wa-l-baladiyat. Intihaku lihuquqi-l-’ammali wa tajawuzu lilqawanina(Les journaliers dans l'administration publique, les intendances et les municipalités. Violation des droits des travailleurs et transgression des lois) », Beyrouth, Publications du LLW, juillet 2013, p. 47.
[3] J'entends ici par journalier le travailleur rémunéré selon les heures de travail effectuées à la journée. Comme je le montrerai au long de cet article, dans le cas de figure étudié, le travail de journalier n'implique pas nécessairement l'instabilité de l'emploi et peut être vécu subjectivement comme un emploi stable.
[4] Le statut de travailleur journalier est très flou dans le code du travail libanais. L'embauche de personnel journalier de la part des entreprises publiques est considérée un procédé exceptionnel, mais la dérogation est souvent la règle dans ce domaine comme le montre le rapport du Lebanese Labor Watch (voir note n° 2). Dans ce rapport on apprend qu’environ la moitié du personnel travaillant pour l’Etat (ministères, entreprises publiques etc.) dispose d’un contrat de journalier. Dans le cas des journaliers embauchés directement par l'EDL, l'emploi de force de travail rémunérée à la journée est déguisé par la mise en place de contrats « techniques (en arabe :‘aqd ‛ikrâ‛) ». Avant 2011, ce type de contrat était notamment conclu entre l'EDL et les collecteurs.
[5] Source : Lebanese Labor Watch (LLW), « Al-muyawimuna fi-l-idarati-l-’ammati... », op. cit., p. 47.
[6] Les conventions collectives afférentes à l'emploi public sont notamment plus protectrices comparativement à celles qui régulent les relations salariales dans le secteur privé. À cet égard, la sous-traitance peut être envisagée dans les termes d'un moyen de contournement de l'État social et de subordination de la force de travail. Voir : Bruno Tinel et al., « La sous-traitance comme moyen de subordination réelle de la force de travail », dans Actuel Marx,Vol. 1, No. 41,2007, pp. 153-164.
[7] Pendant les premiers trois mois de travail l’employé est considéré comme étant en période d’essai et peut être licencié sans que l’employeur donne une justification. En outre, il est opinion courante parmi les journaliers que le travailleur en période d’essai ne peut pas être enregistré à la CNSS. En réalité, l’employeur est obligé de procéder à l’enregistrement de son employé à partir du premier jour de travail (ayant un délai de 15 jours pour déposer le dossier). Cependant, il n’en va pas de soi que les travailleurs connaissent ce droit, surtout dans la mesure où l’employeur véhiculait l’idée de l’inexistence du droit à l’inscription à la CNSS pour les travailleurs en période d’essai (source : notes de terrain janvier 2015). Dans les faits, les travailleurs étaient maintenus en période d’essai et étaient exclus des services de la sécurité sociale malgré l’obligation légale de leur enregistrement.
[8] Entretien avec Hussein, journalier de l'EDL, 18 mars 2015.
[9] Marlène Benquet a d'ailleurs très bien montré comment la stabilité de l'emploi peut coexister avec des formes multiples de précarité. Toutefois, dans le cas des journaliers de l'EDL, ce qui est – de prime abord – paradoxal, c'est que la stabilité de l'emploi s'ancre dans un terreau de précarité contractuelle, alors que, dans l'exemple étudié par Benquet dans l’article « Les raisons de l'action collective : retour sur la mobilisation improbable des salariés d'hypermarchés », dans Sociologie du travail, No. 52, 2010, pp. 305-322, la stabilité de l'emploi est liée à la stabilité contractuelle (CDIsation massive du personnel) qui dissimule, cependant, la précarité réelle (ou perçue par les travailleurs) d'ordre organisationnel, économique et projectionnel.
[10] Le salaire moyen d'un journalier – indexé sur les heures de travail effectué à la journée – travaillant vingt-quatre jours par mois est d'environs $450.
[11] Les travailleurs interviewés utilisent souvent cette formule pour justifier « l'inaction » ou le manque de réaction face à une injustice perçue dans le cadre des échanges professionnels quotidiens.
[12] BUTEC Utility Service (BUS), subsidiaire de BUTEC Group, est chargée de la gestion de la distribution de l'électricité au Liban-Nord et au Mont Liban du nord. KVA est une coentreprise issue du partenariat entre le groupe Khatib & Alami (K&A) et le groupe émirati Arabian Construction Company (ACC), chargée de la gestion de la distribution dans la municipalité de Beyrouth et dans la vallée de la Bekaa. National Electrical Utility Company (NEUC), appartenant au groupe DEBBAS s’occupe de la gestion de la distribution au Mont Liban sud et au Liban-Sud.
[13] En arabe : « lajnat muyawimi kahruba’ lubnan ».
[14] Edward Palmer Thompson, The Making of the English Working Class, Harmondsworth, Penguin Books, 1968 (1963) et Id., « The Moral Economy of the English Crowd in the Eighteenth Century », dans Past and Present, Vol. 50, No. 1, 1971, pp. 76-136.
[15] Ibidem.
[16] Il ne s'agit pas non plus de cantonner l'analyse à une lecture exclusivement « morale », voire psychologisante de la mobilisation écartant les éléments socio-économiques de revendication. Bien au contraire, je chercherai à souligner l'articulation entre revendications matérielles et immatérielles en essayant de déchiffrer le sens que les acteurs assignent à la revendication de droits socio-économiques, notamment ceux inhérents à la revendication de la titularisation à EDL.
[17] Michael Johnson, Class & Client in Beirut. The Sunni Muslim Community and the Lebanese State 1840-1985, Londres,Ithaca Press, 1986.
[18] Entretien avec Ali, journalier de l'EDL, 19 février 2015.
[19] Pluriel de « za‘im » souvent traduit par « leader politique », voir par exemple Franck Mermier, Sabrina Mervin (dir.), Leaders et partisans au Liban, Paris-Beyrouth, Karthala, IFPO, IISMM, 2012. Je m'inscris en faux par rapport à cette traduction d'une part car le terme renvoie dans son usage vernaculaire à une fourchette de significations beaucoup plus vaste et, d'autre part, car les implications sémantiques que le terme porte en soi – par exemple celle de « garant » - restent souvent d'actualité et sont souvent déterminantes dans la perception que les acteurs liés à un za’im ont de ce dernier même quand il n'est pas un véritable leader politique. J'opte donc ici pour une traduction qui me parait plus englobante : celle de notable politique. Voir par exemple : Arnold Hottinger, « Zu'ama' and Parties in the Lebanese Crisis of 1958 », dans Middle East Journal, Vol. XV, No. 2, Printemps 1961, pp. 127-140 ; Id., « Zu'ama' in Historical Perspective », dans Leonard Binder (ed.), Politics in Lebanon, New York, John Wiley&Sons, 1966, pp. 85-105. ; Michael Gilsenan, « Domination as a Social Practice. Patrimonialism in North Lebanon : Arbitrary Power, Desacration and Aesthetics of Violence », dans Critique of Anthropology, Vol. 6, No. 1, 1986, pp. 17-37 ; Id., « Against Patron-Client Relations », dans Ernest Gellner, John Waterbury (ed.), Patrons and Clients in Mediterrean Societies, London, Duckworth, 1977, pp. 167-82 ; Élisabeth Picard, « Une sociologie historique du za'îm libanais », dans Charles Chartouni (dir.), Mélanges en l’honneur de Toufic Touma, Paris, Geuthner, 2001, pp. 157-172 .
[20] Arnold Hottinger, « Zu'ama' and Parties in the Lebanese Crisis of 1958 », op. cit., passim, particulièrement p. 127 et p. 131.
[21] Ibidem.
[22] Jean-François Médard, « Postface », dans Jean-Louis Briquet, Frédéric Sawicki (dir.), Le clientélisme politique dans les sociétés contemporaines, Paris, PUF, 1998, p. 315.
[23] Entretien avec Hussein, journalier de l'EDL, 18 mars 2015.
[24] Michael Johnson, Class & Client in Beirut. The Sunni Muslim Community and the Lebanese State 1840-1985, op. cit.passim, particulièrement le chapitre 4 et p. 97.
[25] Louis Mandarino, « De l'injustice à l'action ? La mobilisation des travailleurs de Spinneys (Liban) dans une perspective diachronique », dans Amin Allal, Myriam Catusse, Montserrat Emperador Badimon (dir.), Working-class sous tension, à paraître.
[26] À ce propos voir Myriam Catusse, « La question sociale aux marges des soulèvements arabes : leçons libanaises et marocaines », dans Critique internationale, Vol. 4, No. 61, pp. 19-34.
[27] En réalité, il existe le Syndicat des employés d’EDL (SEDL), mais celui-ci ne représente que les employés titulaires et les journaliers en sont exclus à la fois formellement et pratiquement. En outre, le SEDL ne s’est pas joint aux revendications des journaliers durant ces quatre ans de protestations. C’est pourquoi, dans le cas des journaliers, il faut parler d’un contexte d’absence syndicale réelle. Le rapport controversé du SEDL au mouvement des journaliers mériterait d’être davantage analysé, mais cette analyse ne rentre pas dans le cadre de cet article.
[28] La marginalisation du travailleur « dissident » dans un contexte de forte vulnérabilité de la main d’œuvre peut être d’ordre professionnel (le licenciement étant le cas le plus extrême), mais aussi d’ordre social. Par exemple, lorsque la prise de parole ne conduit pas au licenciement, l’éloignement professionnel sous forme de transfert ou de rétrogradation rompt le cercle de sociabilité dans lequel le travailleur était inséré. Mais la marginalisation peut prendre d’autres formes sur le lieu de travail : si le travailleur n’est pas licencié ou éloigné mais seulement réprimandé, la menace de licenciement ou d’éloignement peut se transformer en marginalisation de son milieu socioprofessionnel immédiat. Ce sont parfois les collègues eux-mêmes à écarter le camarade insoumis, craignant d’être associés à sa prise de parole et de subir des conséquences personnelles en gardant avec lui un rapport de proximité.
[29] Dans cette optique, la sous-traitance paraît répondre à une fonction ultérieure de subordination de la force de travail dans la mesure où elle contribue à maintenir les réseaux de recrutement et d'ascension professionnelle sous l'emprise du joug clientéliste.
[30] Cela explique en partie la facilité avec laquelle les travailleurs interrogés parlent de la relation de clientèle qui leur a permis d'obtenir un emploi.
[31] Entretien avec Ali, journalier à EDL, 30 janvier 2015.
[32] Ibidem.
[33] Entretien avec Milad, journalier à EDL, 10 février 2015.
[34] Pour des raisons de confidentialité je ne citerai pas les noms des personnages politiques impliqués, ni ceux des travailleurs qui ont reçu « un coup de pouce ».
[35] Entretien avec Milad, journalier à EDL, 11 mars 2015.
[36] Entretien avec Nizar, journalier à EDL, 09 février 2015.
[37] Entretien avec Hussein, journalier à EDL, 18 mars 2015.
[38] Entretien avec Ali, journalier à EDL, 19 février 2015.
[39] Entretien avec Nizar, journalier à EDL, 09 février 2015.
[40] Arnaud Kaba, « « Une culture du précariat ? » Devenir ouvrier journalier en Inde », dans Autrepart, Vol. 3, No. 71, 2014, pp. 157-173.
[41] Alessandro Leogrande, Uomini e caporali. Viaggio tra i nuovi schiavi nelle campagne del sud, Milan, Mondadori, 2008 ; Domenico Perrotta, « Vecchi e nuovi mediatori. Storia, geografia ed etnografia del caporalato in agricoltura », dans Meridiana, No. 79, 2014, pp. 193-220.
[42] À ce propos voir : Régis Cortesero, David Mélo, « Sentiment d'injustice et politisation au travail », dans Ivan Sainsaulieu, Muriel Surdez (dir.), Sens politique du travail, Paris, Armand Colin, 2012, pp. 29-42.
[43] Entretien avec Munir, journalier à EDL, 18 février 2015.
[44] Entretien avec Milad, journalier à EDL, 10 février 2015.
[45] Entretien avec Hussein, journalier à EDL, 18 mars 2015.
[46] Régis Cortesero, David Mélo, « Sentiment d'injustice et politisation au travail », op. cit., p. 40.
[47] Dans ce service travaille la plupart des journaliers (environ 2000).
[48] Voir encadré : « Historique des mobilisations encadrées par le CJEDL » dans cet article.
[49] Par exemple : « Une année noire pour l'Électricité du Liban », L'Orient le jour, français, 06 octobre 2015, http://www.lorientlejour.com/article/904206/une-annee-noire-pour-electricite-du-liban.html [dernière consultation le 17 octobre 2015] ; « The Secret Deal that Finally Ended the EDL Strike », The Daily Star, anglais, 06 décembre 2014, http://www.dailystar.com.lb/News/Lebanon-News/2014/Dec-06/280106-the-secret-deal-that-finally-ended-the-edl-strike.ashx [dernière consultation le 21 décembre 2014].
[50] Sources : a) données recueillies par l'auteur (enquête de terrain, analyse de presse) ; b) « EDL Workers », Civil Society Knowledge Center (CSKC), Beyrouth, https://civilsociety-centre.org/party/edl-workers [dernière consultation le18 décembre 2015].
[51] À titre d'exemple et de manière non exhaustive : la grève des contractuels de l'un des DSP suite à l'impayé de leurs salaires le 5 octobre 2015 : « tawaqqafu al-a’mali fi sharikati NEUC DEBBAS li-l-kahruba’ (arrêt du travail dans l'entreprise de l'électricité NEUC (DEBAS) », LbcEurope, Arabe, 05 octobre 2015, http://www.lbceurope.com/news/233305/%D8%AA%D9%88%D9%82%D9%81-%D8%A7%D9%84%D8%A7%D8%B9%D9%85%D8%A7%D9%84-%D9%81%D9%8A-%D8%B4%D8%B1%D9%83%D8%A9-neuc-%D8%AF%D8%A8%D8%A7%D8%B3-%D9%84%D9%84%D9%83%D9%87%D8%B1%D8%A8%D8%A7%D8%A1/ar, [dernière consultation le 20 décembre 2015] ; le blocage de la salle pour l'accueil des clients suite à la décision prise par KVA de déduire de la paie les jours excédents ceux de congés maladie d'une employée atteinte par un cancer : « EDL Contract Workers Protest Measures Against Sick Employee », The Daily Star, anglais, 26 décembre 2015, http://www.dailystar.com.lb/News/Lebanon-News/2015/Nov-26/324705-edl-contract-workers-protest-measures-against-sick-employee.ashx?utm_source=Magnet&utm_medium=Entity%20page&utm_campaign=Magnet%20tools [dernière consultation le 10 décembre 2015].
[52] Dans leur article « Sentiment d'injustice et politisation au travail », op. cit., Cortesero et Mélo montrent bien que l'injustice est une expérience ordinaire et que son jugement peut être prononcé dans des situations « froides » au-delà des temporalités « chaudes » de conflit dans lesquelles la justice est finalement revendiquée.
[53] Eric John Ernest Hobsbawm, Les bandits, Paris, Zone (Éditions la Découverte), 2008 (1969), p. 67.
[54] Pierre Bourdieu, « Un acte désintéressé est-il possible ? », dans Id., Raisons pratiques. Sur la théorie de l'action, Paris, Éditions du Seuil, 1994, pp. 147-173.
[55] Voir encadré : « Historique des mobilisations encadrées par le CJEDL » dans cet article.
[56] Les DSP auraient embauché seulement 30 % des 2000 journaliers environ opérant dans le secteur de la distribution.
[57] Interview avec Loubnan Makhoul, président du CJEDL, cité dans « Lebanon : Broken Promises Behind Contract Workers Last' Stand », Al-Akhbar, anglais, 15 janvier 2014, http://english.al-akhbar.com/node/18243 [dernière consultation le 21 décembre 2015].
[58] Ibidem, interview avec Bilal Bajouq, porte-parole du CJEDL.
[59] Entretien avec Hussein, journalier à EDL, 18 mars 2015.
[60] Il ne s'agit pas d'une instance syndicale. Le choix de la création d'un comité (en arabe :lajna) plutôt que d'un syndicat s'explique par le fait que le Liban n'adhère pas à la convention 87 de l'OIT stipulant le droit des travailleurs de former une union syndicale sans l'accord préalable de l'État. Le ministère du Travail dispose de 90 jours pour donner (ou pas) son aval. Durant cette période les promoteurs sont exposés à tout type d'intimidation et notamment au risque de licenciement. Je ne traiterai pas ici de la formation du CJTEDL car cela va au-delà des objectifs de cet article. Il suffit de souligner que ce comité existait déjà dans les années précédant la mobilisation. Toutefois, il n'était guère actif. En 2012, le comité se renouvelle complètement et impose son leadership sur le mouvement.
[61] « EDL Workers Scoff at Threat of Firings », The Daily Star, anglais, 25 août 2014, http://www.dailystar.com.lb/News/Lebanon-News/2014/Aug-25/268330-edl-workers-scoff-at-threat-of-firings.ashx [dernière consultation en ligne le 30 janvier 2015].
[62] « Hayek says EDL's daily workers protest in chaotic method », National News Agency, anglais, 14 août 2014, http://nna-leb.gov.lb/en/show-news/31644/Hayek-says-EDL-39-daily-workers-protest-in-chaotic-method [dernière consultation le 14 décembre 2015] ; « Al-Hayek Says EDL Not a « Barn » Warns Contract Worker », Naharnet, 14 août 2014, http://www.naharnet.com/stories/en/143241 [dernière consultation le 14 décembre 2015].
[63] RIFAI M., « L’immolation, ou le geste désespéré des journaliers d’EDL », L'Orient le jour, français, 02 juillet 2013, http://www.lorientlejour.com/article/821908/limmolation-ou-le-geste-desespere-des-journaliers-dedl.html [dernière consultation le 15 décembre 2015].
[64] Entretien avec Milad, journalier de l'EDL, 10/03/2015.
[65] Eric John Ernest Hobsbawm, Les bandits, op. cit.
[66] Lebanese Labor Watch (LLW), « Al-muyawimuna fi-l-idarati-l-’ammati... », op. cit., pp. 45-46.
[67] Il ne s'agit pas d'ailleurs d'une – énième – « exception libanaise », mais d'un phénomène qui se répand – selon des degrés différents – dans l'ensemble des pays adoptant une économie libérale. À ce propos, Robert Castel parle d'« institutionnalisation du précariat », alors que Standing Guy propose de l'envisager comme une véritable « class-in-the-making ». Voir, Robert Castel, « Au-delà du salariat ou en deçà de l'emploi ? L'institutionnalisation du précariat », dans Serge Paugam (dir.), Repenser la solidarité, Paris, PUF, 2007 et Guy Standing, « Understanding the Precariat through Labor and Work », dans Development and Change, Vol. 5, No. 45, 2014, pp. 963-980.
[68] Paul Bouffartigue, « Quelles bases objectives pour les résistances et les mobilisations de travailleurs précaires ou/et informels ? », Quatorzième Journée de la sociologie du travail (JIST) : Les marges du travail et de l'emploi : formes, enjeux, processus, CLERSE CNRS, Lille, Université Lille 1, juin 2014. <halshs-01091925>.
[69] Paul Bouffartigue, « Quelles bases objectives pour les résistances et les mobilisations de travailleurs précaires ou/et informels ? », op. cit., p. 1 (version halshs).
[70] Voir par exemple : Annie Collovald, Lilian Mathieu, « Mobilisations improbables et apprentissage d'un répertoire syndical », dans Politix,Vol. 2, No. 86,2009, pp. 119-143.
[71] Arnaud Kaba, « Une culture du précariat ? » Devenir ouvrier journalier en Inde », op. cit.
[72] Dina Makram-Ebeid, « Labour Struggles and the Quest for Permanent Employment in Revolutionary Egypt », dans Nicholas Hopkins (ed.), The political economy of the new Egyptian republic, Le Caire, American University in Cairo Press, à paraître.
[73] Régis Cortesero, David Mélo, « Sentiment d'injustice et politisation au travail », op. cit., p. 32.
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Louis Mandarino est né à La Valette (Malte) en 1967. Il est chercheur en sciences sociales à l’École d’études supérieures en sciences sociales (Escola de Estudos Avançados em Ciências Sociais) de Salvador de Bahia au Brésil où Il enseigne « analyse des classes et des groupes sociaux ». Ses recherches portent depuis plusieurs années sur les mobilisations dans le monde du travail au Proche-Orient.
Email: louis.mandarino@gmail.com