Les ONG locales libanaises comme facteur de stabilité : théorie(s) et application à Ersal

Publishing Date: 
October, 2016
Dossier: 
Civil Society Observatory
Author(s): Déborah Prati
Abstract: 
Cette étude de cas essentiellement fondée sur des entretiens avec des acteurs humanitaires locaux présents à Ersal, vise à analyser le rôle et l’impact des organisations non-gouvernementales (ONG) locales sur les populations bénéficiant de leurs services, aussi bien en temps de crise humanitaire que sécuritaire. Le contexte particulier d’Ersal au Liban permet en effet d’étudier l’impact des acteurs locaux dans des situations critiques. Il s’agit ainsi de montrer qu’en raison de leur rôle fondamental dans la cohésion sociale, les ONG locales et nationales contribuent à la stabilité locale par le rapprochement de groupes parfois divisés. Cette idée fondamentale est la base d’une réflexion sur les politiques sécuritaires actuelles qui omettent presque entièrement les acteurs locaux comme facteur de stabilité et de prévention des conflits. Or, le rôle des ONG locales doit être reconnu comme étant complémentaire à celui d’autres institutions sécuritaires.
Keywords: Humanitarian Crises, Security, Social Cohesion, Stability, Crisis Prevention & Recovery, refugees

To cite this paper: Déborah Prati ,"", Civil Society Knowledge Centre, Lebanon Support, 2016-10-01 00:00:00. doi: 10.28943/CSKC.002.40005

[ONLINE]: https://civilsociety-centre.org/node/38839
Cited by: 1
Full text: 
Full text

Introduction

« Le Liban, en situation d’urgence depuis quarante ans, qui croule sous les problèmes économiques, politiques, sociaux, accueille 1,500,000 réfugiés depuis cinq ans, soit le tiers de sa population ; cela équivaut à 22,000,000  réfugiés en France. Ou à 170,000,000 réfugiés en Europe par rapport au nombre d’habitants »[1]. Cette comparaison, proposée par un acteur humanitaire libanais entre la situation réelle que connaît actuellement le Liban et un scénario fictif visant l’Europe, permet de mettre en exergue la crise que connaît actuellement le pays. En effet, le Liban, avec ses 1,048,275 réfugiés syriens enregistrés et plus d’un million et demi estimés, est le pays le plus sévèrement touché par cette crise migratoire : 40% de sa population serait aujourd’hui d’origine réfugiée.

Les conséquences de cette crise migratoire sont multiples, évidemment économiques[2], mais également politiques[3] et sécuritaires. Concernant ce dernier point, les flux migratoires massifs et la création de camps informels de réfugiés, peu encadrés et contrôlés par l’État, ont pu permettre l’infiltration de membres de groupes armés islamistes au Liban. Au vu de l'échelle du Liban et de l’ampleur de l’afflux migratoire de réfugiés syriens et des déstabilisations, sociales comme politiques que cela aurait pu entraîner, on peut affirmer que la situation est relativement stable. Cependant, un certain nombre de zones de tensions persiste, l’exemple le plus parlant étant indéniablement Ersal.

Cette ville marginalisée de 35,000 habitants, située à la frontière entre le Liban et la Syrie, compte un nombre élevé de réfugiés syriens par rapport à la population locale. En effet, alors que l'Office du Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) évalue leur nombre à 39,628 personnes[4], les autorités locales parlent de 135,000 réfugiés syriens, selon leur dernier recensement[5]. Ainsi, la ville a soudainement été rapprochée du centre de gravité de la crise syrienne après la bataille de Qusayr[6] de 2013 et est surtout devenue le centre des attentions au Liban à la suite du conflit qui y a éclaté en août 2014. En effet, la présence de partisans de groupes armés extrémistes dans la région d’Ersal a mené à d’importants affrontements entre ces groupes armés, notamment Jabhat al-Nosra et Daech, et l’armée libanaise. Ainsi, Ersal reflète la crise humanitaire que subit actuellement le Liban, mais également une situation de tensions exacerbées, si ce n’est de crise sécuritaire. 459 incidents ont été rapportés à Ersal et dans ses environs depuis le 27 juin 2014[7]. A titre de comparaison, lors de la même période, 814[8] ont été rapportés à Beyrouth[9].

Il est intéressant d’analyser, dans un tel contexte, le rôle et l’importance des ONG[10], notamment nationales et locales. Le réseau des ONG locales et nationales au Liban est particulièrement puissant en termes d’offre de services, notamment dans le secteur de la santé. Par exemple, le réseau des soins de santé primaire du Ministère de la Santé Publique libanais comprend 182 centres de santé, dont 67% sont affiliés à des ONG[11]. Aussi, une ONG locale comme Amel Association International (Amel) affirme avoir offert plus de 1,000,000 de services depuis le début de la crise syrienne et l’afflux de réfugiés syriens au Liban. Le rôle des organisations locales et leur importance dans la réponse aux crises humanitaires au Liban semble donc essentiel[12].

L’enjeu va encore plus loin lorsque l’on s’intéresse à la place des ONG locales et nationales dans des crises sécuritaires telles que celle que connaît actuellement Ersal. Les théories actuelles de la sécurité internationale excluent totalement la place des acteurs locaux et leur impact potentiel sur la stabilité et la sécurité. Pourtant, il est difficile d’envisager la stabilité dans des zones en proie à des crises humanitaires, et inversement. Ainsi, le rôle des ONG locales et nationales dans les politiques de sécurité nationale doit être pris en compte, et la complémentarité avec l’État et les institutions sécuritaires, renforcée.

Après avoir explicité la position particulière d’Ersal au Liban, les raisons profondes des récents affrontements qui y ont eu lieu et la place des ONG dans cette ville marginalisée, cette étude de cas se propose d’analyser le rôle et l’impact des organisations locales sur la population locale. En raison de leur rôle fondamental dans la cohésion entre les populations, les ONG locales et nationales contribuent à la stabilité locale par le rapprochement de communautés, parfois divisées. Cette idée doit être le fondement d’une refonte des politiques de sécurité, notamment nationale, dans laquelle le rôle des ONG doit être reconnu comme étant complémentaire à celui d’autres institutions sécuritaires ; la stabilité doit provenir du terrain, et non être imposée par des puissances extérieures.

Méthodologie

Cette étude de cas entend combler un double manque dans la littérature actuelle. Une étude de la littérature existante  à ce sujet a permis de constater qu’en premier lieu, bien qu’Ersal ait retenu l’attention de la presse locale et nationale suite au conflit y ayant éclaté en août 2014, peu d’articles scientifiques ou d’analyses ont été publiés sur le sujet depuis.

Aussi, les relations entre milieux sécuritaires et organisations humanitaires ont déjà été et sont encore régulièrement l’objet de publications scientifiques. Cependant, le rôle potentiel des ONG locales dans la stabilité locale et la sécurité nationale, est peu, voire pas du tout étudié.

Cette analyse consiste avant tout en une étude de terrain. Cinq entretiens ont été menés avec des acteurs humanitaires travaillant pour des organisations locales ou internationales présentes à Ersal. Ces entretiens anonymes, ont été menés du 18 au 29 mai 2016 et constituent la base essentielle de cet article. De plus, un groupe de discussion a été organisé dans le centre d’une organisation locale d’Ersal avec Libanais et des Syriens. Enfin, ce travail est également basé sur un cadre théorique et des recherches sur le tissu associatif et la société civile au Liban en général, et à Ersal en particulier.

Les organisations non-gouvernementales (ONG) dans le contexte particulier de la ville d’Ersal

Ersal, l’histoire d’une marginalisation

« Il est assez compliqué de définir la place de la ville d’Ersal car la ville est considérée comme faisant partie ni du Liban, ni de la Syrie »[13]. Ce problème d’identité, mis en avant par un membre de l’équipe d’une ONG locale active à Ersal, est dû à la proximité géographique d’Ersal avec la Syrie. En effet, la ville se situe à 124 kilomètres de Beyrouth et à seulement quelques kilomètres de la frontière syrienne[14]. De ce fait, les liens personnels qui se sont créés entre voisins syriens et libanais sont conséquents, notamment en terme de mariages intercommunautaires et d’évènements sociaux communs. Ce problème identitaire est tel qu’à la suite de la création de l’Etat libanais moderne en 1920, de nombreux habitants de la ville d’Ersal, à dominante sunnite, se sont opposés à ce nouvel État, perçu comme une entité chrétienne, et ont poussé à l’annexion du village par la Syrie. Cette dissociation entre la ville d’Ersal et l’État libanais s’est renforcée après l’écrasement violent par le gouvernement de Camille Chamoun d’une rébellion qui avait éclaté à Ersal. Pour Michelle Obeid, une anthropologue spécialiste de la ville, « les habitants d’Ersal n’ont jamais oublié que l’armée a bombardé leur village en 1958. Cet incident a laissé de profondes cicatrices chez les villageois»[15]. Évidemment, l’histoire libanaise est en constante évolution, et la volonté de se rapprocher de la Syrie est bien moins répandue chez les habitants d’Ersal aujourd’hui qu’avant la guerre civile libanaise et la présence militaire syrienne au Liban, qui dure depuis plus de trente ans. Cependant, ces faits montrent que la marginalisation d’Ersal est loin d’être un phénomène récent.

La marginalisation d’Ersal repose également sur une cause confessionnelle et politique. En effet, la ville est une enclave sunnite dans une région à dominante chiite. Or, suite à l’assassinat de Rafic Hariri en 2005 et la « Révolution du Cèdre »[16], deux camps politiques se sont dessinés : celui du 8-Mars, favorable au régime syrien et à la présence militaire syrienne au Liban, et celui du 14-Mars, qui a finalement poussé aux retraits des forces syriennes en présence. Alors que le premier est mené par le Hezbollah, le second reste encore aujourd’hui majoritairement aux mains des hommes politiques sunnites avecla famille Hariri comme figure majeure. Le dilemme pour les habitants d’Ersal a de ce fait été conséquent. En effet, malgré leur proximité géographique et historique avec la Syrie, les villageois se sont sentis menacés et donc poussés à se rattacher au camp du 14-Mars qui leur semblait alors plus proche.[17] ).  « Les habitants d’Ersal n’avaient d’autre choix que de soutenir [le 14-Mars] et ce, même s’ils considéraient qu’il leur offrait très peu de concret en retour »[18]. En parallèle, cette « affiliation forcée par les circonstances politiques et une nouvelle identité commune a intensifié les tensions avec le Hezbollah et le régime syrien »[19]. Par conséquent, ce rapprochement politique, forcé par le contexte, n’a fait qu’exacerber des tensions déjà existantes, aussi bien avec les autres communautés libanaises qu’avec le régime syrien.

En termes de perception, cette question identitaire et confessionnelle, est problématique pour les habitants d’Ersal. Mise au ban de la société libanaise, la ville bénéficie très peu des services de l’Etat. Ainsi, et malgré la crise syrienne et le conflit de 2014, les services publics restent quasiment inexistants. Pour un membre du personnel d’une ONG locale implantée à Ersal, « la ville connaissait déjà avant la crise syrienne d’importants problèmes en termes d’accès à l’eau et à l’électricité »[20]. Du point de vue des services de santé, « l’Etat a créé un hôpital, qui n’en est en réalité pas vraiment un puisqu’il n’offre que des services de base de santé primaire. Cet hôpital est sous-équipé et sert avant tout de façade »[21]. Dans le même temps, la ville ne peut pas se rapprocher effectivement de la Syrie, pour les raisons évoquées précédemment. Ainsi, les difficultés, éprouvées par la population d’Ersal, afin de se rapprocher du régime d’Assad, et la présence syrienne au Liban, ont laissé des cicatrices importantes au sein de la population. En effet, les habitants d’Ersal ont considérablement souffert lors de l’occupation militaire syrienne du Liban. Selon un habitant d’Ersal, « [ils ont] souffert plus que d’autres villages aux mains des services de sécurité syrienne, du fait de [leur] affiliation sunnite. On aurait dit que le régime, en nous maltraitant, cherchait à prendre sa revanche sur les Frères Musulmans syriens »[22]. Ainsi, le déchirement identitaire d’Ersal rend la situation difficile pour les habitants, qui ne considèrent pas et surtout ne sont pas réellement considérés comme faisant partie du Liban ou de la Syrie.

Enfin, le désintérêt de l’État à l’égard d’Ersal vient également de son faible intérêt économique. En effet, l’économie d’Ersal se concentre essentiellement sur l’agriculture, les carrières de pierres à ciel ouvert et les réseaux de contrebande. Le jurd[23] d’Ersal, riche en matières premières, assurait l’autosuffisance de la ville, mais les richesses n’ont  pas été suffisantes pour attirer réellement l’attention de l’État sur la ville.

« Avant la crise syrienne, les Libanais vivaient surtout de la pierre ou de l’agriculture. Le jurd d’Ersal permettait aux Libanais d’Ersal, avant la guerre, de générer environ 60,000 dollars de revenus par jour. Cette estimation de 60,000 dollars est en fait une moyenne relativement basse. 3,000 ouvriers environ travaillaient chaque jour dans le jurd, ce qui faisait un salaire moyen par jour de 20 à 24 dollars. »[24]

Cependant, les conséquences de la crise syrienne ont été majeures sur la ville. Les premières difficultés sont évidemment apparues dès le début de l’afflux de réfugiés syriens. En raison de la proximité d’Ersal avec la frontière syrienne et les fortes relations tissées entre les populations des deux côtés de la frontière, la ville est devenue un lieu de transit, mais également de résidence pour les réfugiés. Actuellement, Ersal compte près de 40,000 réfugiés syriens selon le HCR[25], 135,000 selon les autorités locales, et ce pour une population de 35,000 Libanais[26]. La ville est donc indéniablement en situation d’urgence humanitaire, d’autant plus que les services offerts par l’Etat restent toujours quasiment inexistants.

La crise a continué à s’amplifier est devenue sécuritaire. En effet, les habitants d’Ersal ont perçus la crise syrienne comme une opportunité de briser leur isolement et leur marginalisation. Bien que s’impliquant peu sur le plan matériel, Ersal est rapidement devenue une base arrière et un lieu de refuge pour des membres de différents groupes armés syriens de l’opposition. Cependant, la défaite des rebelles lors de la bataille de Qusayr, en 2013, face aux forces du régime soutenues par le Hezbollah a modifié la situation. L’affaiblissement de l’Armée Syrienne Libre et le renforcement de groupes extrémistes, tels que Daech ou Al-Nosra, a eu un considérable impact sur la région. Les membres des différents groupes extrémistes auraient profité du soutien d’Ersal aux opposants syriens. Aussi, la victoire de l’armée syrienne en mars 2014 à Yabroud a poussé Daech et Al-Nosra vers la région montagneuse de Qalamoun et Ersal. La situation a alors explosé à Ersal. Suite à l’arrestation d’Imad Ahmad Jomaa, membre présumé d’Al-Nosra, des hommes armés prirent d’assaut plusieurs des checkpoint militaires de l’armée libanaise dans la région d’Ersal. Des affrontements violents ont alors éclaté et opposé l’armée, le Front Al-Nosra et l’Etat islamique. Pour la coordinatrice des programmes d’une organisation locale implantée à Ersal, « ce n’est pas une surprise puisque cela faisait des mois que tout le monde sur place disait que cela allait exploser, et des incidents se produisaientt quand même déjà régulièrement. Il y avait notamment des bombardements et d’autres incidents assez importants »[27]. Pour un membre de l’équipe d’une organisation locale, résidant à Ersal, la situation est la conséquence des différents éléments mentionnés précédemment : le retrait de l’État et l’absence de services publics et d’encadrement à Ersal.   

« L’État aurait dû contrôler un peu plus l’arrivée des Syriens dans la ville d’Ersal. Mais du fait de la connivence confessionnelle entre les habitants d’Ersal et les réfugiés syriens, tous majoritairement sunnites, peu de contrôles ont été mis en place. Or, si un contrôle avait été mis en place, les groupes armés n’auraient certainement pas pu rentrer à Ersal. »[28]

Ainsi, le peu d’intérêt géographique, historique et politique selon l’État libanais pour la ville d’Ersal, a progressivement mené à un retrait total de l’État de la ville, y compris pour ce qui est des enjeux sécuritaires. Dans ce contexte particulier de retrait étatique, les ONG, notamment locales et nationales, viennent combler le manque de services de l’État. Elles répondent à la crise à la fois humanitaire et sécuritaire dans laquelle est plongée la ville d’Ersal.

De l’urgence au développement : la place des ONG locales dans une ville au carrefour du Liban et de la Syrie

Dans le cadre d’un retrait de l’État en situation de crise, les ONG prennent généralement le relais pour assurer une continuité dans les services et une prise en charge des personnes dans le besoin. En ce sens, l’exemple d’Ersal, lié à l’histoire de marginalisation et sa situation humanitaire et sécuritaire actuelle, semble être un exemple approprié afin de démontrer le rôle majeur joué par les ONG locales dans des situations de crise.

Le cas de la crise syrienne au Liban est plus complexe qu’il n’y paraît. 5 ans ont passé depuis le début des premiers affrontements en 2011 et les premiers flux de réfugiés syriens au Liban. Nous parlons aujourd’hui de protracted crisis, autrement dit de crise prolongée. Sans autant être passé à une question purement développementaliste, la crise actuelle nécessite à la fois des besoins humanitaires de première urgence et des programmes de développement à plus long terme.

« On n’est plus du tout dans de l’urgence pure, mais dans une crise qui possède à la fois une dimension humanitaire, d’urgence et de stabilisation. Nous avons toujours besoin d’alimentation en urgence, besoin de soins de santé primaire qui sont de l’ordre de l’urgence ; mais aussi de développement. De plus en plus, on a besoin, par exemple de rénover des canalisations d’eau pour assurer un accès à l’eau à toutes les populations,  et cela relève plutôt du développement»[29] .

Dans une telle situation, les ONG locales et nationales jouent un rôle primordial. Le premier des avantages, comme l’affirme la coordinatrice des programmes d’une ONG locale active à Ersal, est que « traditionnellement, les ONG locales se mobilisent beaucoup plus rapidement dans une réponse à une crise. Cela est dû au fait qu’elles sont déjà présentes sur place et qu’il n’y a pas la question d’engager du personnel : c’est beaucoup plus rapide »[30]. A Ersal, suite à la bataille de Yabroud qui a éclaté mi-novembre 2013 dans la région du Qalamoun, région proche de la ville, un nombre important de réfugiés syriens a afflué vers Ersal. Alors que la ville accueillait environ 20,000 réfugiés syriens, en une dizaine de jours, plus de 2,200 familles ont convergé vers Ersal. Le 26 novembre 2013, Ersal accueillait 34,000 réfugiés, soit un nombre équivalent à la population libanaise de la ville. La réponse des ONG locales a alors été déterminante puisque, sans réelle préparation, le centre de santé primaire d’une des ONG présente à Ersal a étendu ses horaires d’ouverture afin d’accueillir les personnes en attente de soins affluant vers la ville. Le centre recevait alors une centaine de patients par jour et fournissait gratuitement les médicaments nécessaires. Le 26 novembre 2013, l’organisation déploya une clinique mobile pour atteindre les régions reculées dans lesquelles les Syriens s’étaient réfugiés[31]. Un autre exemple cité par plusieurs représentants d’ONG actives à Ersal est celui des intempéries. En effet, lors de tempêtes de pluie ou de neige, la plupart des ONG internationales se retirent, laissant les communautés et ONG locales seules pour répondre aux besoins.

« Au cours d’une tempête, nous avons dû distribuer seuls du pain et des produits alimentaires… nous avons distribué des outils pour tenir et renforcer les campements, pendant que les ONG internationales avaient pris un jour de congé»[32].

La mobilisation des organisations locales se révèle souvent non-pérenne. En effet, les organisations internationales finissent souvent par devoir se retirer en l’absence de financements alors que « pour une ONG locale, nous ne sommes pas dans des exit strategies ; nous sommes plutôt dans la transformation du projet »[33]. En effet, les ONG locales restent après les crises et l’adaptation des projets pour en assurer la continuité est nécessaire.

« Pour les ONG locales et particulièrement les ONG libanaises, qui répondent à des crises depuis quatre décennies, l’idée est d’adapter le programme lorsqu’il y a une urgence; et quand cela redevient du développement, on révise le programme. Nous avons cette capacité-là. »[34]

L’avantage des organisations locales tient aussi à l’attache locale forte et la relation créée entre les ONG et les bénéficiaires. Différentes organisations locales sont implantées à Ersal, telles qu’Amel Association International (Amel), qui possède un centre dans la ville depuis trente-cinq ans, ou encore the Lebanese Organisation for Studies and Trainings (LOST), organisation fondée en 1997 et qui dispose également d’un centre dans la ville. Cet ancrage local dans le temps, permet indéniablement une plus grande confiance des bénéficiaires et de meilleures relations avec les acteurs locaux, tout en accroissant l’efficacité des ONG.

« Concrètement parlant, une ONG locale va évidemment avoir une relation plus forte avec les communautés locales qu’une ONG internationale. Cela signifie que c’est généralement plus facile pour nous de mettre en œuvre des projets puisqu’il n’y a pas besoin de faire connaissance par exemple avec le maire de la ville, de s’assurer que la coopération est possible avec les autres ONG puisqu’on travaille déjà ensemble. »[35]

Par exemple, la municipalité d’Ersal est positivement investie auprès des ONG locales présentes sur place. Elle leur a ainsi apporté de l’aide récemment concernant un problème d’inondations suite aux périodes de fortes pluies[36]. Cette relation privilégiée entre ONG, bénéficiaires et acteurs locaux permet donc une mise en pratique plus simple et rapide des différents programmes voulus par les organisations. Il permet aussi et surtout, concrètement, un meilleur accès aux populations vulnérables et marginalisées. Pour revenir sur l’exemple de la crise de novembre 2013, évoquée précédemment, en plus de pouvoir offrir une réponse plus rapide, les ONG locales ont eu un meilleur accès aux communautés. Ainsi, une des ONG les mieux implantées à Ersal a affirmé

« Avoir travaillé comme un important réseau et noyau d’informations pendant la crise. [L’organisation] s’est considérablement impliquée dans le ciblage des communautés et la fourniture d’informations aux réfugiés concernant les services disponibles, tout en transmettant des informations au HCR concernant les besoins sur le terrain. [L’organisation] est également devenue une référence en matière de questions de sécurité à Ersal, dans la mesure où la difficile situation sécuritaire sur le terrain ne permet pas aux ONG internationales et aux Nations Unies d’accéder à la région. »[37]

Enfin, les ONG locales continuent généralement à cibler à la fois les populations libanaises et syriennes dans l’élaboration et la mise en place de leurs projets. Ainsi, toutes les organisations présente à Ersal ont affirmé la nécessité de combiner les populations hôtes et les réfugiés syriens dans la mise en œuvre de leurs programmes. L’avantage d’une telle vision est la pérennisation des actions et des programmes,

« C’est-à-dire que le jour où les réfugiés syriens pourront rentrer en Syrie, lorsque les conditions de protection le permettront, on continuera nos programmes avec les Libanais et Libanaises. Bien entendu, il y aura des adaptations, notamment par exemple moins de cliniques mobiles, pour les enfants de curriculums différents en termes de protection, mais on pourra tout de même rendre nos actions pérennes»[38].

Par conséquent, les ONG locales semblent être indéniablement des acteurs majeurs, voire essentiels, en situation de crise, en raison de la rapidité de leur mobilisation, leur connaissance de la réalité du terrain et leur lien avec les communautés locales. Il s’agit désormais de voir leur impact sur la stabilité des régions dans lesquelles elles agissent, et les moyens et actions appliqués pour arriver à la stabilisation et la création d’espaces sûrs.

Rôle et impact des ONG en temps de crise : théorie et pratiques innovatrices à Ersal

ONG et principes humanitaires en temps de crise

L’un des premiers éléments amenant à la stabilisation des zones de crise est l’application des principes fondamentaux de l’humanitaire. En effet, ces principes, bien que régulièrement sujets à débats et controverses, restent aujourd’hui un des moyens essentiels de l’action humanitaire. L’idée fondamentale ayant donné forme à ces principes est que

« Pour offrir assistance et protection, les agences humanitaires, leur personnel et activités doivent être acceptés à la fois par les groupes armés étatiques et non-étatiques, ainsi que par les communautés; des mesures spécifiques doivent être prises pour réduire les risques et accroître l’acceptation et la sécurité, tout en améliorant l’accès, soutenant ainsi l’assistance et la protection à ceux dans le besoin. Des services humanitaires efficaces, pertinents et axés sur la communauté, fournis conformément aux Principes Fondamentaux et d’autres politiques pertinentes du Mouvement [de la Croix Rouge], sont la base de l’action humanitaire»[39].

Cette citation, extraite d’une revue éditée par la Croix Rouge Internationale, appuie logiquement l’importance des principes fondamentaux de l’humanitaire puisque c’est le Mouvement de la Croix Rouge lui-même qui a édicté ces principes. Il serait donc illogique que le Mouvement aille à leur encontre. Pourtant, il est vrai que les principes fondamentaux de l’humanitaire restent la base nécessaire à toute action humanitaire visant à contribuer à la stabilité. L’accent sera ici mis sur les principes d’humanité[40], de neutralité[41] et d’impartialité[42].

Premièrement, les acteurs humanitaires présents à Ersal s’accordent pour affirmer la nécessité de ces principes, spécialement dans le contexte particulier du Liban.

« Je vois maintenant l’importance majeure dans cette région, et particulièrement au Liban, de maintenir ces valeurs et de fournir des services aux plus vulnérables indépendamment de leur engagement ou de leur dévouement à un certain parti, à un certain leader ou à un certain groupe religieux»[43].

En effet, le contexte particulier du Liban, où 18 confessions cohabitent et où les partis et personnages politiques ont une grande influence, nécessite une application stricte de ces principes pour éviter toute tension dans la répartition des services. Le principe de neutralité, notamment, semble primordial. Aussi, il est important de préciser que ces principes sont issus des actions accomplies sur le terrain plus que l’inverse, c’est-à-dire que les ONG mettent naturellement en place leurs programmes selon ces principes, et ce même si beaucoup d’acteurs locaux ne les formalisent pas réellement. La coordinatrice des programmes d’une ONG civile et non-confessionnelle affirme ainsi que

« Ce sont des grands principes qui formalisent, en tout cas pour nous, ce qu’on fait sur le terrain. Quand on demande à quelqu’un sur le terrain ce qu’il pense du principe d’humanité par exemple, il ne va pas le formuler de cette manière mais en réalité, c’est ce qu’ils font au quotidien. C’est une formalisation de choses qui se passent déjà»[44].

Pour un acteur humanitaire résidant à Ersal, la neutralité permet notamment, en se situant hors du jeu politique ou militaire, de pouvoir observer les différentes communautés et donc d’évaluer, d’analyser et de répondre à leurs besoins. La création d’une relation de confiance avec toutes les populations, quelle que soit leur appartenance politique, religieuse ou nationale, en adoptant une position de neutralité quelle que soit la situation, permet avant tout l’accès sûr aux populations dans le besoin. Il raconte ainsi

« J’ai été une fois à un mariage célébré par des membres d’un groupe armé présent à Ersal, et je n’ai eu aucun problème à y aller ; j’y suis allé pour voir dans quel environnement ils vivaient, pour voir comment cela se passait. Il faut toujours essayer de sympathiser un peu avec tout le monde, s’adapter aux autres et aux situations pour arriver à toucher toutes les personnes dans le besoin et faire entrer les services partout. Quand tu travailles de manière correcte, cela crée une relation de confiance»[45].

Ces principes sont pour beaucoup nécessaires et naturellement appliqués. Pourtant, cette application n’est pas encore unanimement répandue. Un certain nombre d’organisations libanaises affirment encore aujourd’hui leur affiliation à une communauté ou un groupe particulier. Certaines, comme l’organisation Caritas, sont officiellement rattachées à une confession particulière (dans ce cas, le christianisme) mais offrent néanmoins leurs services sur des critères de vulnérabilité et donc indépendamment de l’origine ou de l’appartenance religieuse ou politique de la personne dans le besoin. A l’inverse, d’autres font le choix d’offrir leurs services à une seule catégorie de la population, omettant les autres. Ainsi, certains partis ou hommes politiques ont mis en place des structures humanitaires, mettant à mal le principe de neutralité et/ou d’impartialité.

Pourtant, l’offre impartiale de services permet une diminution des tensions. Tenir compte avant tout de l’humanité de chacun en offrant dans la mesure du possible à toutes les populations vulnérables des services, « c’est avant tout pour ressentir, pour montrer qu’ils sont avant tout des humains, qu’ils ont une identité et des droits fondamentaux comme le droit à un foyer ou à la santé, et notre objectif est de les soutenir et leur montrer la voie pour forger leur personnalité et leur caractère. C’est cela l’humanitaire »[46]. Dans ce sens, les êtres humains se retrouvent sur le même plan, peu importe leur affiliation. En étant traitées et jugées de la même manière, les différentes populations finissent par se rapprocher et les relations entre les individus sont alors renforcées. Ainsi, les principes humanitaires sont essentiels dans la mesure où ils jouent un rôle important dans cette cohésion sociale, elle-même clé de la stabilité des zones de crise.

Les ONG locales libanaises, vecteurs de stabilité au niveau local

Une définition claire, précise et universellement admise dans le monde humanitaire de la cohésion sociale est aujourd’hui manquante ; le concept est flou. Cependant, des tentatives de définition voient progressivement le jour. Ici, la définition de la cohésion sociale au sens de World Vision sera utilisée, et plus spécifiquement l’idée de cohésion sociale horizontale, « c’est-à-dire l’ensemble des relations entre les individus et les groupes dans un environnement particulier »[47]. En pratique, ces relations entre les individus et les groupes peuvent être influencées positivement ou négativement. L’influence positive s’illustre notamment par la prise de conscience de similarités et de complémentarités entre des individus issus de cercles ou de milieux différents, ce qui pourrait, à terme, rapprocher les populations et renforcer la solidarité. Les impacts négatifs prennent forme à travers la persistance de préjugés ou de mauvaises perceptions. Ainsi, alors qu’une bonne cohésion sociale est le fondement de la stabilité sociale[48], autrement dit de la paix sociale, une mauvaise cohésion mène à de l’instabilité.

Jusqu’alors, le problème de la cohésion entre les communautés et les perceptions qu’ont les Libanais des Syriens, et inversement, a posé, et pose toujours, un problème majeur, au point de devenir une question sécuritaire. Plusieurs rapports mettent ainsi en avant les principales sources de tensions entre les deux peuples : les Libanais se sentent généralement menacés et expriment une intolérance croissante aux Syriens, pour des raisons majoritairement sécuritaires (perception d’une hausse de la criminalité suite à l’afflux massif de réfugiés syriens, crainte de radicalisation dans les camps informels), économiques (hausse du chômage et de la pauvreté chez les Libanais, inflation des denrées essentielles et des loyers), sociaux (différences sociales entre les Libanais et les Syriens et crainte que l’afflux d’un tel nombre de Syriens ne remette en cause la balance confessionnelle au Liban) et environnementale[49]. Aussi, la mémoire de la présence militaire syrienne au Liban, pendant plus de 30 ans, reste une source de rancœur pour beaucoup de Libanais. Tel qu’évoqué précédemment, de nombreuses violences exercées par les services de sécurité syriens ont été reportées, notamment à Ersal[50]. Ainsi, environ 15,000 personnes ont disparu durant la guerre civile au Liban, pour beaucoup enlevées par les services de renseignements syriens[51], la plupart étant toujours portées disparues plus de quarante ans après le début de la guerre civile. Cela reste une source de tension majeure entre le Liban et la Syrie. Ces différentes causes d’instabilité sociale mises en avant dans de nombreux rapports ont été confirmées par des Libanais et des Syriens lors d’un groupe de discussion organisé dans un centre de santé primaire par l’équipe d’une organisation locale à Ersal[52].  Cette question de l’instabilité sociale est présente dans l’ensemble des régions libanaises accueillant un nombre important de réfugiés syriens ; cependant, le problème est plus ambivalent à Ersal.

Les réfugiés syriens ont bénéficié, jusqu’en 2014, d’un excellent accueil à Ersal. Ainsi, un acteur humanitaire actif à Ersal affirme que « Jusqu’en 2014, notre staff à Ersal et les gens d’Ersal avec lesquels on parlait évoquaient tous un accueil et une générosité absolument exceptionnels à l’égard des réfugiés syriens. Il y avait deux fois, trois plus de réfugiés syriens que de Libanais dans ce petit village qui est isolé de tout, où il n’y a pas vraiment d’opportunités d’emplois et pourtant, il y avait de l’accueil. Je me rappelle que les mosquées étaient ouvertes, les gens ouvraient leurs appartements. »[53]

Comme cité plus haut,  les relations entre Syriens et Libanais étaient relativement fortes avant la crise syrienne. Pour des Libanais et Syriens bénéficiant des services d’une ONG locale à Ersal, « La relation était très bonne avant, voire excellente. Il n’y avait pas de discrimination entre les Syriens et les Libanais »[54]. Même suite à l’arrivée de réfugiés syriens dès 2011, et notamment en 2013, « les relations étaient excellentes, bien mieux que maintenant. Les Libanais sympathisaient avec les réfugiés »[55]. Un réfugié syrien complète : « bien qu’étant réfugiés, nous nous sentions comme des invités. Le Liban et la Syrie sont des pays frères »[56]. Cette proximité entre les populations hôtes et réfugiées n’est évidemment pas répandue dans tout le Liban, comme le prouvent les rapports cités précédemment évoquant la défiance entre Libanais et réfugiés syriens. Pourtant, le contexte particulier d’Ersal, géographiquement, confessionnellement et économiquement proche de la Syrie, a fait que l’accueil des réfugiés fut dans un premier temps exceptionnel.

Cependant, le conflit d’août 2014 entre l’armée libanaise et les groupes armés extrémistes Daech et Al-Nosra a exacerbé les tensions. Premièrement, des conséquences économiques ont été relevées. En effet, le bouclage de la région environnant Ersal empêcha les agriculteurs d’accéder à leurs terres, faisant chuter leurs revenus[57]. Surtout, cet évènement confirme en quelque sorte les craintes des Libanais, évoquées précédemment,  en termes de hausse de la criminalité et de mise en péril de l’identité libanaise suite à l’afflux de réfugiés. Les Libanais habitant à Ersal ont extrêmement souffert de la situation

« La relation entre Libanais et Syriens est devenue très mauvaise [suite à la « guerre » de 2014[58]]. Pour les femmes, cela n’a pas changé grand-chose mais les hommes sont maintenant toujours arrêtés aux checkpoints. Les Libanais sont arrêtés aux checkpoints à cause de la situation créée par les Syriens, qui ont créé des tensions entre les deux communautés. Depuis les conflits, l’armée ne nous traite pas bien. C’est différent maintenant pour tout. Les hommes en sont le plus affectés – tués, kidnappés ou arrêtés»[59].

De l’autre côté, les réfugiés syriens ont également souffert de cette situation : associés dans leur ensemble à une minorité de partisans à des groupes armés extrémistes, ils sont également les victimes de ce conflit, mais accusés d’en être les instigateurs. Cette exacerbation des tensions est confirmée par de nombreux acteurs locaux et par la population elle-même, ainsi que par les chiffres : selon la cartographie des conflits de Lebanon Support, depuis le 27 juin 2014, 459 incidents ont été comptabilisés à Ersal, la plupart relevant de fusillades et d’arrestations[60].

C’est dans ce contexte particulier de déchirement et d’éloignement des différentes populations présentes à Ersal que les ONG locales interviennent actuellement dans la ville : elles ont donc un rôle à jouer dans la cohésion sociale. Premièrement, les organisations locales ne peuvent jouer un rôle positif dans la stabilité sociale qu’en adoptant et appliquant les principes humanitaires évoqués précédemment, notamment celui d’impartialité dans la provision de services. En effet, un ciblage inefficace ou inadéquat des populations vulnérables ou une mauvaise répartition de la distribution peut renforcer les inégalités existantes et donc exacerber les tensions. Un bénéficiaire d’une ONG locale à Ersal parle ainsi du fait qu’ « à Ersal, de nombreuses ONG ne fournissent des services qu’à des groupes spécifiques »[61]. Or, « le support extérieur est identifié comme une source majeure de tensions dans les communautés hôtes […] 83% des personnes interrogées parlent d’une augmentation des tensions intercommunautaires causée par un accès inégal [aux services] entre les réfugiés et les communautés hôtes et un ciblage inadéquat »[62].

Ainsi, la façon de fournir des services est importante pour renforcer la stabilité sociale. L’un des problèmes majeurs rencontrés à Ersal, selon l’équipe d’une organisation présente dans la ville, est « la façon de penser. Alors que les Syriens pensent qu’ils doivent avoir accès à tout et obtenir tous les services dont ils ont besoin rapidement, les Libanais pensent que les Syriens prennent leurs emplois et leurs opportunités de trouver du travail. »[63]

Alors que la question de l’impact des réfugiés syriens sur le marché du travail est relativement fondée, celle de la façon de penser des Syriens par rapport à l’offre de services pose problème dans la mesure où elle oblige le monde humanitaire à remettre en question sa façon de fonctionner. En effet, cette affirmation, « les Syriens pensent qu’ils doivent avoir accès à tout et obtenir tous les services dont ils ont besoin rapidement » n’est pas le témoignage d’un trait de caractère récurrent du peuple syrien, mais bien plus la conséquence de la réponse actuelle à la crise syrienne, qui vise effectivement plus les réfugiés syriens que les Libanais. Ainsi, un acteur humanitaire évoque un projet dans lequel il leur a été imposé de viser plus de 90% de Syriens, et le reste de Libanais ; il admet lui-même « que viser un nombre tellement élevé de Syriens avec ce projet, c’est laisser de côté un nombre important de Libanais vulnérables qui ont également besoin de soutien », et donc risquer d’exacerber des tensions déjà existantes. Dans ce sens, l’exigence des réfugiés d’obtenir rapidement une réponse à leurs besoins est bien plus la conséquence d’une réponse à la crise qui les a, dès le départ  placés en priorité; statut qu’ils ne veulent désormais plus perdre. Or, comme évoqué précédemment, une offre neutre et impartiale de services est nécessaire pour éviter l’aggravation des tensions, ce que les agences internationales et ONG locales n’ont pas toujours réussi à mettre en place, et ce même involontairement.

Pour remédier à ce problème et rapprocher les populations, les ONG adoptent désormais un certain nombre de programmes visant à renforcer la cohésion entre les populations hôtes et réfugiées. Certaines organisations à Ersal organisent des sessions avec des Libanais et des Syriens afin de mettre en avant la proximité des deux cultures – par exemple en termes de langue, de littérature, de gastronomie ou de croyances populaires –, qui ont bien plus de points communs que de différences, tandis que d’autres, notamment dans le domaine de la santé, proposent des sessions de sensibilisation permettant de mettre en avant que tous les individus font souvent face aux mêmes problèmes sanitaires, et ce indépendamment de l’appartenance politique, religieuse, sociale ou nationale. D’autres programmes, comme celui de l’organisation LOST, « El-Aïn Got Talent », visent à rapprocher familles libanaises et syriennes, dans ce cas par le biais du talent de leurs enfants[64]. Un comité, composé de personnalités libanaises, réunit chaque semaine les familles pour assister aux performances artistiques de leurs enfants, offrant l’opportunité à ces familles de se rapprocher les unes des autres et de mettre fin aux préjugés. Une autre initiative intéressante de Terre des Hommes à Ersal, et plus généralement au Liban, consiste en l’organisation de réunions d’un conseil populaire, composé de Syriens et de Libanais issus de la communauté. Une discussion est lancée concernant les problèmes auxquels ces personnes font face au quotidien dans la région. Par la suite, d’autres réunions plus spécialisées sont organisées dans l’optique de résoudre des problèmes particuliers, auxquelles sont invitées les organisations et les représentants des communautés, les directeurs d’école dans le cas de problèmes éducatifs, les centres de santé primaire ou encore les médecins, afin de discuter de potentielles solutions. Cette initiative permet aux différentes communautés de travailler ensemble, viser les mêmes objectifs et chercher conjointement des solutions communes. Indéniablement, l’impact de telles activités sur les communautés locales et la cohésion entre celles-ci est positif.

De tels projets ne sont cependant pas prédominants au Liban, et ce pour plusieurs raisons. Premièrement, l’accent est généralement mis sur l’offre de soins de santé primaire ou d’éducation, la question de la cohésion sociale – d’ailleurs mal définie – passant souvent au second plan. Ensuite, beaucoup d’organisations actives au Liban ne mettent pas en place ce type de projets du fait de la confessionnalisation de leur institution. En ce sens, leurs actions visent spécifiquement certains groupes ou catégories de la population, et ne vont donc pas offrir de services visant au rapprochement avec d’autres groupes. Ainsi, un acteur humanitaire actif dans le Sud de la Békaa affirme que certaines ONG n’offrent leurs services que dans certains camps de réfugiés, correspondant à leur affiliation à un groupe particulier, voire même offrent leurs services différemment à l’intérieur même des camps, créant de ce fait d’importantes tensions. A Ersal, des Libanais et des réfugiés syriens ont également témoigné du fait que certaines organisations ne fournissaient des services qu’à des groupes spécifiques[65]. L’enjeu de la cohésion sociale n’est par conséquent pas encore une priorité dans la réponse à la crise syrienne. Aussi, dans certains cas, la volonté des ONG de mettre en place des programmes visant au renforcement de la cohésion sociale est purement intéressée, et ne dépend que des financements possibles à la clé.

Par conséquent, les ONG locales sont des acteurs de la stabilité locale. Par la création d’espaces sûrs[66] pour réunir les communautés, d’offres impartiales de services et par la mise en place d’activités visant à renforcer la cohésion sociale, les ONG contribuent indéniablement à la stabilité locale en mettant en relation les différentes communautés et en participant au processus de pacification entre celles-ci. Pour un acteur humanitaire local à Ersal, « les tensions commencent maintenant à diminuer, car les Libanais commencent à nouveau à prendre conscience que cette personne est avant tout réfugiée, et ce malgré elle, et que ces personnes ont d’importants besoins. Un exemple de cette baisse de tensions est qu’il y a maintenant beaucoup plus de mariages entre Syriens et Libanais »[67].

De la stabilité locale aux politiques sécuritaires : les ONG locales, un rôle à établir

Les ONG locales et les enjeux de sécurité, de la théorie à la pratique

Les ONG locales ont donc indéniablement un rôle à jouer dans la stabilité locale, comme le démontre l’exemple d’Ersal. En effet, en permettant le rapprochement de groupes entre lesquels des tensions pourraient émerger, elles sont des acteurs essentiels de la prévention des conflits, entendue comme « une action concertée ayant pour objectif la dissuasion, la résolution et/ou l’arrêt des conflits avant leur éclatement, c’est-à-dire avant une escalade de la violence, interne ou externe »[68].

Par ailleurs, les ONG évoluent actuellement à l’heure du renforcement du concept de sécurité humaine. Officiellement utilisée pour la première fois dans un rapport du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), en 1994, cette notion se définit largement comme « la protection des individus contre les menaces, qu’elles s’accompagnent ou non de violence »[69]. Les champs d’action de la sécurité humaine sont donc multiples, tout comme les acteurs habilités à la défendre. Appliqué au cas libanais et à l’enjeu de la crise migratoire syrienne, cela se traduit en pratique de différentes façons. Déjà, d’un point de vue juridique, la protection des droits de la personne prévaut dans la notion de sécurité humaine. Cela signifierait, pour citer des exemples parmi d’autres, le droit à une justice équitable et à un traitement juste en détention[70], ou encore le droit des femmes à disposer d’elles-mêmes, ce qui n’est pas toujours le cas au Liban. De nombreuses ONG libanaises, défendant les droits humains, sont ainsi mobilisées face à cet enjeu juridique de la sécurité humaine. C’est le cas, pour reprendre l’exemple cité ci-dessus, de KAFA, organisation libanaise qui milite depuis 2005 pour le respect du droit des femmes au Liban[71]. La sécurité humaine implique également des enjeux humanitaire et socio-économique, visant à résoudre les causes profondes des conflits et de la violence (accès aux ressources vitales, inégalités sociales et économiques, entre autres). Ici encore, les ONG sont supposées avoir un rôle fondamental à jouer. En raison de leur implication sur le terrain et l’offre de services de santé, d’éducation ou de formation professionnelle, les ONG ont un impact majeur sur le développement des populations, et donc sur les causes profondes de potentiels conflits. Ainsi, entre, d’une part, l’importance des ONG pour la stabilité sociale, et d’autre part leur rôle potentiel pour la sécurité humaine, les organisations et acteurs locaux devraient être considérés comme des acteurs majeurs de la prévention des conflits, et donc des politiques sécuritaires.

Or, le rôle des ONG locales dans la prévention des conflits et les politiques sécuritaires reste moindre, dans la mesure où les États sont encore aujourd’hui considérés comme les acteurs majeurs des relations internationales. Ainsi, le concept de sécurité humaine, axé sur les individus et qui semble, à première vue, diminuer l’importance des territoires au profit de l’attention portée aux populations – desquelles les ONG sont les plus proches – a en fait concrétisé une volonté internationale d’ingérence. La notion aujourd’hui émergente de la sécurité internationale est celle de la Responsibility to Protect (R2P), ou responsabilité de protéger. Ce principe, qui a commencé à s’affirmer par le biais du Document final du Sommet mondial de 2005 (A/RES/60/1)[72] pour finalement être avalisé dans un rapport de 2009 du Secrétaire Général des Nations Unies[73] réaffirme premièrement le principe cardinal de la responsabilité des Etats à protéger leurs populations. Cependant, cette responsabilité inclut désormais le principe du devoir d’ingérence : la Communauté internationale doit encourager et aider les États à s’acquitter de cette responsabilité et, en cas d’échec, doit mettre en œuvre les moyens, y compris militaires, pour protéger les populations de graves atteintes aux droits humains si l’État ne s’en porte pas garant. Cette responsabilité en trois piliers met donc en avant les États et la Communauté internationale, omettant totalement le rôle des acteurs locaux dans la prévention des conflits et la protection des populations.

 

Armée(s) et crises humanitaires

La notion de responsabilité de protéger a donc ouvert la voie à des interventions militaires à but prétendument humanitaire d’armées étrangères. Ce type d’interventions directes est généralement mal perçu par les acteurs libanais. Pour un acteur humanitaire,

« Dès qu’il y a des enjeux impliquant de grandes puissances, et la Syrie le démontre bien, une intervention est bien plus difficile et pas forcément souhaitable car souvent instrumentalisée par une puissance ou une autre. Théoriquement, nous avons tous ce devoir, qui est avant tout un devoir d’humanité. Mais cette justification est souvent utilisée basiquement pour violer la souveraineté d’un Etat, ou pour prendre position pour une partie au conflit ou pour l’autre»[74].

Il est avéré que de telles interventions, justifiées par le devoir d’ingérence et de protection de la sécurité humaine, sont rarement neutres, et bien plus des prétextes à protéger des intérêts étatiques. Un exemple frappant au Moyen-Orient est la différence de traitement entre la crise syrienne, où de grandes puissances se battent par procuration du fait d’un intérêt certain pour la Syrie, et le Yémen, totalement isolé et dont le traitement médiatique et politique est faible, malgré le drame qui s’y déroule. Dans le cas libanais, l’ingérence syrienne au Liban pendant plus de trente ans a été symptomatique de cette volonté d’ingérence prétendument dans une optique de soutien à la population locale, alors qu’elle cache en général des intérêts politiques majeurs.

Pourtant, pour les acteurs humanitaires, « il faut faire une distinction entre l’intervention d’une armée étrangère et celle d’une armée nationale »[75]. En effet, alors que les interventions extérieures sont généralement déterminées par des intérêts précis, l’armée nationale intervient pour la protection des populations, et par la suite met parfois en places des programmes d’aide humanitaire. Ce fut par exemple le cas lors des affrontements d’Ersal en août 2014 : alors que l’armée est intervenue dans la ville pour tenter de résoudre le conflit, elle a dans le même temps apporté une aide matérielle aux habitants en distribuant matelas et couvertures.

Le monde humanitaire, et notamment les ONG locales, est souvent plus proche des populations et dispose d’une meilleure connaissance des enjeux sur le terrain, comme le montre l’exemple d’Ersal, où les organisations locales sont pleinement intégrées au tissu local. Cependant, elles ne doivent pas pour autant venir remplacer l’État et l’armée dans leur rôle, mais bien être considérées comme complémentaires des milieux sécuritaires. Cette idée, peu répandue dans la littérature des relations internationales et de la sécurité, commence cependant à être admise en pratique. En effet, les Nations Unies définissent aujourd’hui le secteur humanitaire comme un « troisième secteur », générateur d’un phénomène qui change profondément le monde »[76], y compris d’un point de vue sécuritaire, le développement étant généralement le fondement de la stabilité et de la paix : « la violence tue le développement dans l’œuf, et l’absence de développement génère la violence »[77]. Ainsi, les milieux humanitaires et sécuritaires sont complémentaires plus que concurrents, et les ONG locales doivent être reconnues comme étant des partenaires essentiels des politiques de prévention des conflits et de sécurité.

Conclusion 

En définitive, la société civile et les ONG sont complémentaires des milieux sécuritaires et du pouvoir militaire. Chacune de ces entités a une mission propre, et « une armée est avant tout faite pour lutter […] les militaires restent des militaires : ils peuvent faire des actions humanitaires, mais leur mission principale reste de défendre le pays et lutter »[78]. L’exemple d’Ersal montre bien ce besoin d’intervention des deux types d’acteurs. D’une part, la crise sécuritaire que subit la ville, du fait de l’infiltration de groupes armés extrémistes et des affrontements réguliers qui ont lieu dans la ville ou dans la région d’Ersal, nécessite une intervention réelle et durable de l’armée. Selon un acteur humanitaire résidant à Ersal, « l’armée libanaise est présente autour d’Ersal mais pas dans la ville, bien qu’elle soit sensée y être présente. Elle ne fait que quelques patrouilles de temps à autre. Il faudrait que l’armée soit présente dans la ville pour se sentir un peu plus en sécurité »[79]. D’autre part, les ONG doivent répondre à la crise humanitaire, due à l’afflux de réfugiés syriens, en termes de services de santé primaire et secondaire, d’éducation, de formation professionnelle mais aussi afin de permettre aux personnes d’assurer leurs propres moyens de subsistance et de contribuer à l’autonomisation des réfugiés et des femmes.

Ainsi, ces deux entités sont complémentaires et l’une ne doit pas supplanter l’autre. La coexistence, voire potentiellement la coopération entre les deux entités peut être envisagée pour rendre leurs actions propres plus pertinentes, mais une hiérarchie entre les deux ne doit pas être appliquée. Ainsi, le rôle et l’importance des ONG dans la stabilité locale doit être reconnu. La sécurité ne peut être imposée par le  haut, par des puissances extérieures n’ayant que très peu, voire aucune connaissance du terrain. Cette étude de cas démontre les avantages des ONG locales en situation de conflit, les avantages en termes de mobilisation, de connaissance des besoins, de relations privilégiées avec les acteurs et communautés locales ; avantages que ne peuvent acquérir ni les organisations internationales, ni des puissances extérieures venues imposer arbitrairement leur notion de stabilité et de sécurité. Au contraire, la confiance doit être accordée aux ONG et des actions doivent être mises en œuvre afin de renforcer leur impact sur la stabilité sociale et locale. A travers leurs actions renforçant la cohésion sociale, les organisations locales rapprochent les individus, les communautés, les groupes qui pouvaient sembler opposés. « Pas de civilisation sans stabilité sociale. Pas de stabilité sociale sans stabilité individuelle »[80]. Les organisations permettent d’amener ces deux formes de stabilité : stabilité individuelle d’une part en offrant aux individus vulnérables les services dont ils ont besoin. Ainsi, pour un acteur humanitaire d’Ersal,

« Les réfugiés ont accès à tout ce qui concerne les services de santé, éducatifs, de livelihood ; beaucoup de services leur sont offerts ce qui va les pousser, les entraîner vers une situation personnelle et professionnelle plus stable. En recevant toute l’aide dont ils ont besoin, ils ne vont plus chercher exclusivement à rentrer en Syrie, ou à vivre de moyens illégaux ; ils peuvent rester au Liban dans une situation relativement calme et stable. »[81]

Suite à cette stabilisation des situations individuelles, une stabilisation sociale d’autre part et donc plus large, est envisageable. Le rôle des ONG locales et nationales dans les politiques de sécurité nationale et internationale doit donc être pris en compte, et devenir complémentaire avec le rôle que peut jouer l’État et les institutions sécuritaires.

*This article is published in the frame of the call for papers Glocalizing humanitarian interventions in Lebanon: a reflexive look into innovative practices in times of crises developed by Lebanon Support and Amel Association.


[1] Entretien avec le président d’une ONG locale libanaise, Beyrouth, 20 avril 2016.

[2] Notamment l’impact sur le niveau de vie des Libanais, qui est conséquent, puisque 170 000 Libanais seraient tombés dans la pauvreté, élevant le nombre de Libanais vulnérables à plus d’un million.

[3] Pour plus d’informations sur les divisions politiques concernant la crise migratoire au Liban, voir: International Crisis Group, “Too Close for Comfort: Syrians in Lebanon” , Middle East Report n°141, 13 mai 2013.

[4] HCR, “Syria Refugee Response, LEBANON – Bekaa and Baalbek- El Hermel Region, Distribution of the Registered Syrian Refugees at the Cadastral Level,” HCR, Mai 2016, disponible sur: file:///C:/Users/Admin/Downloads/UNHCR_LBN_REF_MAP_2016-03-31_A1_Bekaa-Baalbek_HermelGovernorateSyrianRefugeesRegisteredbyCadastral%20(2).pdf [consulté le 20 juin 2016].

[5] Entretien avec un membre d’une ONG locale active à Ersal, El-Aïn, 26 avril 2016.

[6] La bataille de Qusayr, en mai-juin 2013, opposa les rebelles syriens à l’armée fidèle au régime syrien, soutenue par le Hezbollah libanais. La victoire de ces derniers poussa les rebelles syriens, parmi lesquels des partisans du Front al-Nosra, à se réfugier vers les montagnes du Qalamoun – région arrière d’Ersal -  faisant ainsi d’Ersal une base arrière et un lieu sûr pour ces combattants. Pour plus d’informations sur la bataille de Qusayr et la région du Qalamoun, voir: International Crisis Group, “Arsal in the Crosshairs : The Predicament of a Small Lebanese Border Town,” Beyrouth,Bruxelles, Crisis Group Middle East Briefing n°46, 23 Février 2016 ; et Nour Braidy, Rita Sassine, « Du Qalamoun à Ersal, la bataille de l’Anti-Liban décryptée, » L’Orient le Jour, 12 juin 2015.

[7] Conflicts Map, The Civil Society Knowledge Center, disponible sur: https://civilsociety-centre.org/cap/map [consulté le 20 juin 2016].

[8] Ibid.

[9] Il est nécessaire de prendre en considération que la population de base de Beyrouth est d’environ 360 000 habitants, tandis que celle d’Ersal est de 35 000 habitants.

[10] Les Organisations Non-Gouvernementales (ONG) sont des associations à but non-lucratif, d’intérêt public et qui ne dépendent ni d’Etats, ni d’organisations internationales. Leur statut juridique international reste flou. On distingue les ONG de la société civile, qui désigne plus généralement l’ensemble des acteurs constituant une forme d’auto-organisation de la société en dehors du cadre étatique ; les ONG constituent donc une proportion importante de la société civile, mais d’autres formes d’organisations en font également partie.

[11] Banque Mondiale, “Lebanon: Economic and Social Impact Assessment of the Syrian conflict,” 2013, disponible sur : http://www-wds.worldbank.org/external/default/WDSContentServer/WDSP/IB/2013/09/24/000333037_20130924111238/Rendered/PDF/810980LB0box379831B00P14754500PUBLIC0.pdf [consulté le 21 juin 2016].

[12] Pour plus d’informations sur le rôle des ONG locales dans la réponse aux crises humanitaires au Liban, voir le projet “Humanitarian Knowledge Base” du Civil Society Knowledge Center, disponible sur : https://civilsociety-centre.org/hum/page [consulté le 23 juin 2016].

[13] Entretien avec un membre d’une ONG locale résidant à Ersal, El-Aïn, 26 avril 2016.

[14] Lebanon Support, “Arsal – Locality Profile,” mis à jour en Novembre 2014, disponible sur: https://civilsociety-centre.org/content/arsal [consulté le 25 juin 2016].

[15] Michelle Obeid, « Between One State and Another, Always on the Margins, » Bidayat, n°6, été 2013. Citée dans International Crisis Group “Arsal in the Crosshairs : The Predicament of a Small Lebanese Border Town,” Beyrouth/Bruxelles, Crisis Group Middle East Briefing n°46, 23 Février 2016. [traduction personnelle].

[16] Suite à l’assassinat de Rafic Hariri, alors Premier Ministre, un vaste mouvement de contestation émerge dans la société libanaise pour protester contre la présence syrienne au Liban depuis 1975 et l’influence du pays voisin dans la politique interne du Liban, et sera appelé la « Révolution du Cèdre ». Ce mouvement est caractérisé par des évènements majeurs, notamment la contre-manifestation du 8 mars des partisans du régime syrien  (la date donnant son nom au courant du 8-Mars, favorable à la Syrie) et la grande manifestation du 14 mars qui réunit plus d’un million de personnes venues protester contre la présence syrienne (qui donnera son nom au Courant du 14-Mars). Ce mouvement de contestation mènera au retrait des forces syriennes du Liban le 27 avril 2005.

[17] Le Président actuel de la Syrie, Bachar al-Assad, étant proche des milieux chiites de la région, alors que le village est à majorité sunnite.

[18] International Crisis Group, “Arsal in the Crosshairs : The Predicament of a Small Lebanese Border Town,” Beyrouth/Bruxelles, Crisis Group Middle East Briefing n°46, 23 Février 2016.. [traduction personnelle].

[19] Ibid.

[20] Entretien avec un membre d’une ONG locale résidant à Ersal, El-Aïn, 26 avril 2016.

[21] Ibid.

[22] International Crisis Group, “Arsal in the Crosshairs : The Predicament of a Small Lebanese Border Town,” Beyrouth/Bruxelles, Crisis Group Middle East Briefing n°46, 23 Février 2016.23/02/2016. [traduction personnelle].

[23] Le jurd d’Ersal est la région montagneuse entourant Ersal.

[24] Entretien avec un membre d’une ONG locale résidant à Ersal, El-Aïn, 26 avril 2016.

[25] HCR, “Syria Refugee Response, LEBANON – Bekaa and Baalbek- El Hermel Region, Distribution of the Registered Syrian Refugees at the Cadastral Level,”. HCR, 31 Mai 2016, d.isponible sur: file:///C:/Users/Admin/Downloads/UNHCR_LBN_REF_MAP_2016-03-31_A1_Bekaa-Baalbek_HermelGovernorateSyrianRefugeesRegisteredbyCadastral%20(2).pdf [consulté le 16 juin 2016].

[26] Lebanon Support, “Arsal – Locality Profile,” Mis à jour en Novembre 2014, disponible sur: https://civilsociety-centre.org/content/arsal.

[27] Entretien avec la coordinatrice des programmes d’une ONG locale active à Ersal, Beyrouth, 29 avril 2016.

[28] Entretien avec un membre d’une ONG locale résidant à Ersal, El-Aïn, 26 avril 2016.

[29] Entretien avec la coordinatrice des programmes d’une ONG locale active à Ersal, Beyrouth, 29 avril 2016.

[30] Ibid.

[31] Document interne d’une ONG locale, 26 novembre 2013, consulté le 8 mai 2016.

[32] Entretien avec un membre d’une ONG locale active à Ersal, El-Aïn, 26 avril 2016.

[33] Entretien avec la coordinatrice des programmes d’une ONG locale active à Ersal, Beyrouth, 29 avril 2016.

[34] Ibid.

[35] Entretien avec la coordinatrice des programmes d’une ONG locale active à Ersal, Beyrouth, 29 avril 2016.

[36] Entretien avec un membre d’une ONG locale résidant à Ersal, El-Aïn, 26 avril 2016.

[37] Document interne d’une ONG locale, 26 novembre 2013 consulté le 8 mai 2015.

[38] Entretien avec la coordinatrice des programmes d’une ONG locale active à Ersal, Beyrouth, 29 avril 2016.

[39] Sorcha O’Callaghan, Leslie Leach, « Dilemmas in the field: providing health care in conflict zones. The relevance of the Fundamental Principles to operations: learning from Lebanon, » International Review of the Red Cross, vol. 95, n°890, juin 2013, p. 287-307.

[40] Le principe d’humanité, est « né du souci de porter secours sans discrimination aux blessés des champs de bataille, le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, sous son aspect international, s'efforce de prévenir et d'alléger en toutes circonstances les souffrances des hommes. Il tend à protéger la vie et la santé ainsi qu'à faire respecter la personne humaine. Il favorise la compréhension mutuelle, l'amitié, la coopération et une paix durable entre tous les peuples. »

« 1 mission », 7 principes fondateurs, site Internet de la Croix Rouge Française, disponible sur http://www.croix-rouge.fr/La-Croix-Rouge/Un-mouvement-international/7-principes-fondateurs [consulté le 5 mai 2016].

[41] Le principe de neutralité est défini comme ceci par le Comité International de la Croix Rouge : « Afin de garder la confiance de tous, le mouvement s'abstient de prendre part aux hostilités et, en tout temps, aux controverses d'ordre politique, racial, religieux et idéologique. »

« 3 principes de comportement », 7 principes fondateurs, site Internet de la Croix Rouge Française, disponible sur http://www.croix-rouge.fr/La-Croix-Rouge/Un-mouvement-international/7-principes-fondateurs [consulté le 5 mai 2016].

[42] Le principe d’impartialité pousse à ne faire « aucune distinction de nationalité, de race, de religion, de condition sociale et d'appartenance politique. Il s'applique seulement à secourir les individus à la mesure de leur souffrance et à subvenir par priorité aux détresses les plus urgentes. »

« 3 principes de comportement », 7 principes fondateurs, site Internet de la Croix Rouge Française, disponible sur http://www.croix-rouge.fr/La-Croix-Rouge/Un-mouvement-international/7-principes-fondateurs [consulté le 5 mai 2016].

[43] Entretien avec une coordinatrice projet d’une ONG locale active à Ersal, Beyrouth, 28 avril 2016.

[44] Entretien avec la coordinatrice des programmes d’une ONG locale active à Ersal, Beyrouth, 29 avril 2016.

[45] Entretien avec un membre d’une ONG locale résidant à Ersal, El-Aïn, 26 avril 2016.

[46] Entretien avec un membre d’une ONG locale active à Ersal, El-Aïn, 26 avril 2016.

[47] Joseph Guay, “Social Cohesion between Syrian Refugees and Urban Host Communities in Lebanon and Jordan,” World Vision, 18 novembre 2015.

[48] « Caractère de ce qui se maintient tel, sans profondes variations, pendant un temps assez long ». « Stabilité », Larousse. Dans notre cas, nous entendons la stabilité sociale comme un état assez long de paix entre les individus et les groupes d’une société.

[49] International Alert, “Citizens’ Perceptions of Security Threats Stemming from the Syrian Refugee Presence in Lebanon,” Background Paper, Février 2013; Charles Harb, Rim Saab, “Social Cohesion and Intergroup Relations: Syrian Refugees and Lebanese Nationals in the Bekaa and Akkar,” Université Américaine de Beyrouth (AUB) et Save the Children, 2014; Joseph Guay, op.cit.

[50] Pour plus d’informations, voir les témoignages d’habitants d’Ersal dans International Crisis Group, “Arsal in the Crosshairs : The Predicament of a Small Lebanese Border Town,” Beyrouth/Bruxelles, Crisis Group Middle East Briefing n°46, 23 Février 2016. [traduction personnelle].

[51] Nada Merhi, « Fus’hat amal, une plateforme numérique pour garder vivante la mémoire des disparus, » L’Orient le Jour, disponible sur : http://www.lorientlejour.com/article/980329/-fushat-amal-une-plateforme-numerique-pour-garder-vivante-la-memoire-des-disparus.html [consulté le 17 juin 2016]. Voir également le dossier de L’Orient le Jour, « Disparus de la guerre civile, s’ils pouvaient témoigner, » disponible sur : http://www.lorientlejour.com/dossier/595-guerre,%20liban,%20disparu [consulé le 15 juin 2016].

[52] Groupe de discussion avec les bénéficiaires, Syriens et Libanais, d’une ONG locale active à Ersal, Ersal, 27 avril 2016.

[53] Entretien avec la coordinatrice des programmes d’une ONG locale active à Ersal, Beyrouth, 29 avril 2016.

[54] Groupe de discussion avec les bénéficiaires, Syriens et Libanais, d’une ONG locale active à Ersal, Ersal, 27 avril 2016.

[55] Ibid.

[56] Ibid.

[57] Entretien avec un membre d’une ONG locale résidant à Ersal, El-Aïn, 26 avril 2016.

[58] La plupart des habitants d’Ersal parlent de « guerre » pour désigner les évènements d’août 2014, et non d’affrontements.

[59] Groupe de discussion avec les bénéficiaires, Syriens et Libanais, d’une ONG locale active à Ersal, Ersal, 27 avril 2016.

[60] Civil Society Knowledge Center, Conflicts Map,  disponible sur: https://civilsociety-centre.org/cap/map [consulté le 20 juin 2016].

[61] Groupe de discussion avec les bénéficiaires, Syriens et Libanais, d’une ONG locale active à Ersal, Ersal, 27 avril 2016.

[62] Joseph Guay, op.cit.

[63] Entretien avec un membre d’une ONG locale active à Ersal, El-Aïn, 26 avril 2016.

[64] « El Ain Got Talent, » Site Internet de LOST, 27 avril 2016,  disponible sur : http://lostlb.org/2016/04/ein-got-talent/ [consulté le 6 mai 2016].

[65] Groupe de discussion avec les bénéficiaires, Syriens et Libanais, d’une ONG locale active à Ersal, Ersal, 27 avril 2016.

[66] Il s’agit ici d’espaces dans lesquels les bénéficiaires se sentent en sécurité, aussi bien physique que mentale (possibilité de s’exprimer librement, de se sentir écoutés, entre autres). Certains centres d’ONG sont ainsi considérés comme des espaces neutres et sûrs. D’ailleurs, certaines organisations locales mettent à disposition leurs locaux à d’autres organisations ou agences internationales dans le cadre de rencontres avec les bénéficiaires, afin que ceux-ci se sentent en confiance. Cette relation entre les bénéficiaires et le lieu a dans certains cas une telle valeur qu’ils sont prêts physiquement à le protéger. Cela a par exemple été le cas lorsque le centre d’une ONG locale d’Ersal a été menacé d’invasion par Daech, lors des affrontements d’août 2014 ; les bénéficiaires ont alors défendu le centre et empêché les combattants d’y pénétrer.

[67] Entretien avec un membre d’une ONG locale résidant à Ersal, El-Aïn, 26 avril 2016.

[68] Sophia Clément, citée dans Charles-Philippe David, La guerre et la paix, Approches et enjeux de la sécurité et de la stratégie, Paris, Les Presses de Sciences Po, 2012.

[69] Ibid.

[70] Un exemple significatif est celui du traitement des travailleurs domestiques migrants dans le centre de détention d’Adlieh, qui a entre autres été dénoncé par le Centre Libanais pour les Droits de l’Homme. Pour plus d’informations, voir Joey Ayoub, « The Adlieh Detention Center, A Living Hell, » Hummus for Thought (blog), disponible sur: https://hummusforthought.com/2014/06/20/the-adlieh-detention-center-a-living-hell/ [consulté le  28 juin 2016].

Aussi, les réfugiés syriens sont régulièrement victimes d’arrestations illégales et disposent d’un accès à la justice restreint.

[71] Pour plus d’informations sur l’organisation libanaise KAFA, voir le site web de l’organisation, disponible sur : http://www.kafa.org.lb/ [consulté le  2 juillet 2016].

[72] Assemblée Générale des Nations Unies, 60e session, points 46 et 120 de l’ordre du jour, A/RES/60/1, “Document final du Sommet Mondial de 2005,” Nations Unies, 24 octobre 2005, disponible sur http://www2.ohchr.org/french/bodies/hrcouncil/docs/gaA.RES.60.1_Fr.pdf [consulté le 3 juillet 2016].

[73] Assemblée générale des Nations Unies, 63e session, points 44 et 107 de l’ordre du jour, A/63/677, “La mise en œuvre de la responsabilité de protéger, Rapport du Secrétaire Général,” Nations Unies, 12 janvier 2009, disponible surhttp://www.un.org/fr/documents/view_doc.asp?symbol=A/63/677 [consulté le 7 juillet 2016].

[74] Entretien avec la coordinatrice des programmes d’une ONG locale active à Ersal, Beyrouth, 29 avril 2016.

[75] Ibid.

[76] Centre d’actualités de l’ONU, « Le « troisième secteur » des ONG représente l’espoir du développement, selon Jacques Attali et le patron du PNUD, » Nations Unies (site web), 10 septembre 2004, disponible sur. http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=8927&Cr=ONG&Cr1=Conf%E9rence [consulté le 18 juin 2016].

[77] Ibid.

[78] Entretien avec le président d’une ONG locale libanaise, Beyrouth, 20 avril 2016.

[79] Entretien avec un membre d’une ONG locale résidant à Ersal, El-Aïn, 26 avril 2016.

[80] Aldous Huxley, Le Meilleur des Mondes, 1931.

[81] Entretien avec un membre d’une ONG locale résidant à Ersal, El-Aïn, 26 avril 2016.