Transformations familiales et de genre à Gaza Témoignages recueillis par une humanitaire (2000-2020)

Publishing Date: 
December, 2023
Dossier: 
Gender Equity Network, Conflict Analysis Project
Author(s): Elena Qleibo
Abstract: 

La présente contribution restitue les témoignages de femmes et d’hommes de la bande de Gaza. Les récits ont été collectés entre 2006 et 2020 dans le cadre d’une mission humanitaire, qui m’a permis de nouer des relations solides et durables avec ces familles et d’observer les impacts des guerres répétées et des attaques impromptues durant les années 2000 et lors de la deuxième Intifada de 2002, ainsi que ceux de la fermeture de frontières instaurée depuis 2006. Les témoignages que je restitue ici ont été récoltés auprès de deux types d’acteurs : des familles issues de la classe moyenne travaillant pour des ONG internationales et locales, ainsi que pour l’Autorité palestinienne, et des travailleurs qui, du fait de la fermeture des frontières avec Israël, empêchant le mouvement de personnes et les échanges commerciaux, vont perdre leur travail. Leurs témoignages éclairent les changements de rôles et les reconfigurations des solidarités à l’échelle de la parenté, et permettent d’apprécier la manière dont ces changements sont vécus et perçus par les acteurs.

Keywords: War, Conflict, Family, Palestine, Gender Roles, Gaza Strip, Socio-Economic Conditions

To cite this paper: Elena Qleibo,"Transformations familiales et de genre à Gaza Témoignages recueillis par une humanitaire (2000-2020)", Civil Society Knowledge Centre, Lebanon Support, 2023-12-01 00:00:00. doi:

[ONLINE]: https://civilsociety-centre.org/node/75948
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Picture source: theguardian.com

 Au rythme des guerres : la mise sous dépendance progressive de l’économie gaziote (1967 -aujourd’hui)

En 1967, la défaite de la coalition arabe constituée par l’Égypte, la Jordanie et la Syrie dans la « Guerre des six jours » contre Israël se soude par l’occupation militaire de la bande de Gaza. L’occupation provoque une vague de migrations vers la Jordanie, connue sous le nom de Naksa (« le revers »). L’économie de Gaza, jusque-là structurellement dépendante de celle égyptienne, est ainsi rapidement assujettie à celle d’Israël. Cette dynamique détruit les piliers de l’économie palestinienne principalement fondée sur la petite industrie et l’agriculture[1]. Nombre d’hommes adultes et de jeunes abandonnent le travail agricole, le délaissant aux femmes, aux aînés et aux enfants, pour se rendre en Israël qui, à cette époque, est demandeur de main-d’œuvre à bas coût. L’afflux financier provenant des travailleurs gaziotes en Israël est principalement investi dans des dépenses familiales[2] telles que la construction d’une maison, l’électroménager, le mobilier. À partir des années 1970, des milliers d’ouvriers gaziotes travaillent pour ou en Israël. Des centaines d’ateliers de couture voient le jour pour satisfaire les besoins de la mode et du prêt-à-porter vendus dans les boutiques de Tel-Aviv. Les produits d’Israël et de la Cisjordanie occupée entrent à Gaza sans restriction, avec un impact économique qui sera perçu jusque dans les années 2000.

La dépendance de l’économie gaziote de celle israélienne s’accroît progressivement jusqu’à devenir totale, même si le développement des ateliers aurait pu produire un secteur économique viable. Entre 2005 et 2006, Israël décide de fermer la frontière avec Gaza en instituant un blocus[3] aux multiples impacts socio-économiques. Le marché de la production gaziote s’interrompt, les ateliers disparaissent progressivement et avec eux, l’économie qui pivote autour.

Dans cette conjoncture, les frictions entre Israël et les Gaziotes s’accroissent progressivement. S’en suivent trois guerres dévastatrices en 2008, 2012 et 2014, avec un bilan accablant en termes de victimes et de destruction d’infrastructures dans la bande de Gaza. Les chars israéliens dévastent de nombreuses cultures et habitations au rythme d’incursions précipitant dans la pauvreté des milliers d’agriculteurs[4]. Avec la guerre de 2014, un demi-million de personnes est forcé de se déplacer[5]. Dans l’ensemble, les guerres répétées exercent un impact sur l’ensemble de la société gaziote et sur les infrastructures. Les centres de santé, les écoles, les conduites d’eau et le système d’assainissement sont fortement endommagés et peinent à être reconstruits[6].

Dans ce contexte de destruction et de pénurie d’emploi et de ressources, l’aide humanitaire demeure la seule source de nourriture et de travail à court terme. Dépendant des aides, les familles pourvoient à leurs besoins grâce à un système de crédits entre particuliers. Ce sont les femmes qui, la plupart de temps, échelonnent les paiements hebdomadaires ou mensuels auprès des petits commerces de denrées essentielles, dans une dynamique qui prolonge la dette contractée, sans que cette dernière ne soit jamais soldée. Cette situation économique s’est davantage dégradée avec l’interruption du versement des fonds humanitaires en provenance des États-Unis sous la présidence de Donald Trump. À partir de 2018, les États-Unis ont déclaré l’arrêt des fonds destinés à l’UNRWA soutenant en même temps le plan israélien d’annexion de larges tranches de la Cisjordanie.

Le 10 mai 2021, de nouvelles attaques israéliennes ont eu lieu, en réponse au lancement de roquettes artisanales depuis Gaza. Les forces israéliennes ont riposté avec des bombardements incessants ciblant des résidences, des terres agricoles et des infrastructures vitales comme les réseaux d’eau et d’électricité. Plusieurs hôpitaux et infrastructures sanitaires, ainsi que le bureau de l’orphelinat « Al Amal » ont été détruits, tandis que des dizaines de civils, hommes, femmes et enfants, ont trouvé la mort. Les organisations des droits de l’homme telles que Al Mezan[7] et OCHA[8] dénoncent des violences de part et d’autre, bien que la réponse israélienne soit démesurée au regard de la faible portée des attaques palestiniennes.

Recompositions familiales et de genre

C’est dans ce contexte dramatique qu’entre 2006 et 2020 j’ai récolté des témoignages de familles gaziotes, afin d’explorer la manière dont ces transformations économiques et sociopolitiques majeures ont pesé sur les structures familiales et les relations de genre. La plupart des foyers visités sont issus de familles élargies du côté paternel de la lignée. L’observation indique que la vie de la famille nucléaire est imbriquée dans la famille élargie. Par exemple, la perte, ou l’absence d’emploi au sein d’une famille nucléaire affecte tous les membres de la famille élargie. Trois générations, incluant les grands-parents, les enfants mariés et leurs enfants, vivent sous le même toit ou dans des appartements voisins. Pour faire face au manque et à la perte d’emploi ou aux faibles revenus procurés par un travail intermittent, les familles mettent en place une économie partagée des dépenses afin d’assurer l’accès aux ressources essentielles pour tous les membres. Dans ce contexte, la famille élargie constitue une source de protection essentielle, ses membres conservant des liens forts de responsabilités et de devoirs réciproques. Le rôle de la famille élargie s’est renforcé avec la détérioration de la situation économique et face à l’impossibilité pour les familles nucléaires de maintenir leur autonomie.

Après trois conflits consécutifs, les mécanismes de survie que l’on pensait transitoires se sont pérennisés. Les familles épuisent leur épargne face à l’endettement croissant. Chacun mobilise différentes stratégies. Le plus souvent, les femmes prennent en charge la famille en contractant plusieurs crédits pour subvenir aux besoins vitaux[9]. Ainsi, l’endettement se généralise. En l’absence d’un travail stable et bien rémunéré, l’importance du rôle des femmes et des enfants aînés en âge de travailler est déterminante dans la gestion de l’économie quotidienne. Néanmoins, ces formes d’adaptation remettent en cause un rôle traditionnellement dévolu à l’homme, pourvoyeur de ressources. Dans ce contexte, il est essentiel de protéger son image et sa dignité. Les témoignages ici collectés saisissent les formes d’adaptation à cette nouvelle situation mises en place par chaque membre de la famille. Tandis que la plupart des hommes vivent mal ces mutations de rôles, la mère-épouse change de statut en contribuant directement à l’amélioration des conditions de vie du foyer. Cependant, elle cherche à préserver l’honneur de son époux et l’image de sa famille. Certaines sont tiraillées par leur désir de liberté, qui reste conditionné par la protection de leur famille. D’autres refusent ce changement qu’elles vivent comme une transformation imposée par la détérioration du contexte économique et sociopolitique, et expriment leur désir de conserver le rôle traditionnel d’épouse et de mère, dans un soutien sans faille à la structure patriarcale.

Témoignages

Amr et Naela, le déclassement d’une famille de la classe moyenne

En 2000, je rencontre Amr, 24 ans, infirmier urgentiste en Israël. En 1997, il s’est marié avec Naela alors âgée de 17 ans. Nous échangeons de manière ponctuelle au fil des ans. En 2013, il me décrit comment leur couple s’est formé : « Naela était très jeune, elle avait 17 ans au moment de notre mariage. Elle venait d’obtenir son bac à Jeddah dans un foyer où, surtout en Arabie saoudite, elle était très encadrée et choyée. Sa vie à Gaza n’aurait pas été différente de sa vie en Arabie Saoudite si les bouleversements de la deuxième intifada ne s’étaient pas produits. N’étant pas habituée aux tirs et aux explosions, nous avons décidé qu’elle irait visiter ses parents à Jeddah. La faire sortir avec une tante par Rafah fut difficile, elle est restée hors Gaza pendant plus de six mois, du fait de la fermeture du passage. Après son retour et un traitement de fertilité, nous avons réussi à concevoir trois enfants. Avec la perte de mon travail, nous avons utilisé toute notre épargne et une partie de celle de mes parents. Après trois guerres, l’aide de la famille n’était plus suffisante pour nous tous, car mes deux frères aînés avaient comme moi perdu leur travail : l’un dans le secteur privé gérait un projet de construction annulé en raison du blocus et du boycott du Hamas par la communauté internationale ; l’autre, du fait de la réduction des fonds de son ONG internationale. La situation économique s’est détériorée et, déjà en 2012, nos finances et celles du foyer ne permettaient plus que deux repas par jour, petit déjeuner et dîner. Nous ne remplissions pas les critères exigés pour bénéficier des aides humanitaires que proposait le Programme alimentaire mondial (PAM) aux familles nucléaires démunies. Le montant des bons de nourriture ne suffisait pas pour tous les membres de la famille étendue. Je devais donc partager les denrées et chercher d’autres sources d’aide de manière discrète pour que les voisins ne s’aperçoivent pas de notre situation économique. Nous sommes connus pour notre générosité et nous n’avions aucune aide extérieure jusqu’à ce moment-là. Nous avons demandé l’aide d’un oncle du Qatar, mais ce n’était ni régulier ni suffisant. Même si le chômage s’est généralisé, c’était stigmatisant pour moi, le chef de famille. C’était néfaste et humiliant aux yeux de tous d’avoir à chercher de l’aide. Alors j’ai discuté avec ma mère et avec Naela pour que ce soit cette dernière qui sorte chercher d’autres sources d’aide humanitaire, surtout de nourriture. Pour une femme, ce n’est pas trop mal vu… Elle m’a étonné en se montrant pleine de ressources. Elle se débrouille bien et je suis soulagé parce qu’elle ne semble pas contrariée par cette nouvelle situation. Elle a démarché auprès de diverses ONG locales dans le quartier et a réussi à rapporter des bons de nourriture et des couvertures. Elle et ma belle-sœur sortaient chaque jour en fin de la journée pour faire les courses. De mon côté, j’effectue des vacations à l’hôpital Shifa et je prodigue des soins infirmiers à domicile. C’est comme ça que nous nous en sortons. »

Lorsque je rencontre Naela en 2019, elle a 37 ans. Au cours de notre entretien, elle me livre son point de vue face aux transformations de sa vie familiale, après la fermeture des frontières avec Israël.

« Je suis fière de mon succès dans mon nouveau rôle de femme active hors de la maison, bien que je préfèrerais ne pas être obligée de sortir. Avant, mon mari rapportait son salaire à la fin du mois et moi je le gérais. Je m’occupais de la maison, des enfants de ma belle-sœur et des nôtres. Je sortais peu, seulement pour rendre visite à la famille ou pour des rendez-vous médicaux, toujours accompagnée. Il est vrai que, parfois, c’était pesant d’avoir toujours à en demander la permission à Amr. Quand je n’arrivais pas à le joindre, je devais alors demander l’autorisation à ma belle-mère. Généralement, c’était pour rencontrer ma sœur, elle aussi mariée à Gaza. Maintenant, je sors tout le temps, mais c’est à cause de la situation, par obligation. Je vois beaucoup moins ma sœur parce que je n’ai rien à lui offrir quand je lui rends visite. Alors, je préfère attendre un peu et préparer au moins un gâteau à partager pendant ma visite. Si je ne sors pas, nous n’arrivons pas à joindre les deux bouts à la fin du mois. Hélas, nous devons aussi rembourser le crédit, c’est une obligation. Je dis seulement à Amr “je sors” et basta, je ne demande plus, j’informe ! Je le fais gentiment, même si un refus de sa part serait mal venu. Je n’ai jamais travaillé hors de la maison. Chez mes parents à Jeddah, j’ai étudié et appris à cuisiner. Je ne me sentais pas capable de travailler hors de la maison. Quand la directrice d’une des organisations que je fréquentais m’a demandé d’être bénévole[10] et d’enseigner l’arabe aux jeunes femmes qui n’avaient pas fini leur scolarité primaire, c’était une vraie surprise. Je me suis rendue compte que j’étais douée pour enseigner. Je n’ai jamais imaginé que je pouvais être efficace comme enseignante. Je donne des cours d’arabe deux fois par semaine et parfois trois fois, dans une association voisine et de cette façon, je suis informée des aides proposées et j’ai plaisir à rencontrer d’autres personnes, à négocier des prix et à trouver des arrangements pour les crédits. Cette nouvelle situation m’a révélé que je disposais de compétences insoupçonnées. Dans une situation tragique pour de nombreuses personnes autour de nous, je me sens épanouie ! Les enfants profitent de leur père à la maison, qui les aide pour les devoirs, il discute longuement avec eux et répond à leurs questions ».

Hanan, une femme socialement et économiquement active

Parmi les femmes qui investissent sans difficulté de nouveaux espaces hors de la maison, Hanan, 45 ans, travaille au sein d’une ONG comme comptable, et exerce en tant que bénévole depuis la fin de ses études. Mariée, elle continue à soutenir une association de femmes dans le quartier de Zeitoun où elle habite. Je la rencontre en 2007 et suis son parcours à travers trois guerres. Son mari, Anwar, qui travaillait dans un atelier de couture, achète en 2006 une machine à coudre à son compte pour continuer à exercer son activité à domicile, lorsque les commandes depuis Israël s’interrompent. Comme tant d’autres familles gaziotes, le couple choisit de rejoindre la maison des parents pour réduire les charges et faciliter la garde des enfants. En 2015, Hanan me décrit sa situation :

« Je me sens privilégiée. Alors que d’autres autour de nous font face à des situations difficiles, émotionnellement et économiquement, nous nous en sortons avec ce que je considère comme une solution positive pour tous. J’étais d’abord un peu déprimée par la perte d’emploi d’Anwar après les élections[11]. Nous étions convaincus que, même si Gaza était sous blocus, les ateliers de couture ne fermeraient pas. Après tout, ils produisaient des articles de prêt-à-porter pour les magasins de mode à Tel-Aviv. Mais ce n’était pas seulement le blocus, c’était une séparation définitive… J’ai dû changer nos habitudes immédiatement pour réduire nos dépenses, les invitations, les visites de la famille et des voisins. Les deux premières guerres ont été affreuses, surtout celle de décembre 2008 à janvier 2009. Mais la plus dévastatrice a été celle de 2014. Nous avions été recommandés au PAM et, après une visite d’inspection, l’organisation nous a inclus dans son programme de bons de nourriture qu’on échangeait chez l’épicier, comme si on achetait normalement avec de l’argent. Mais après presque un an, les critères ont été revus et le programme s’est arrêté. Nous prenons les repas avec mes parents. C’est la meilleure façon de gérer la nourriture et le crédit.

(…) J’ai dû me réinventer dans une activité qui me rendrait utile. Je me suis lancée dans l’élevage de lapins. Comme j’ai bien réussi, mes voisines me demandent conseil, j’ai fait une demande de formation auprès du ministère de l’Agriculture pour devenir aide-vétérinaire avec une recommandation de mon ONG. Maintenant je suis heureuse, j’aide les autres non seulement avec leurs animaux, mais aussi en échangeant sur le devoir des femmes à se débrouiller pour soutenir leur famille. Nous ne savons pas ce que demain nous réserve ! Je ne dois pas penser à l’instabilité de notre vie. Nous attendons toujours une autre guerre et je me demande si le cycle va s’interrompre. Quant à Anwar, je gère ses périodes dépressives au jour le jour, j’établis des programmes à court terme. Je rêve de vacances, j’aimerais acheter une armoire pour les habits, les retirer des caisses où ils sont entassés depuis des années, mais pour le moment, tout cela n’est pas possible. »

Soha, l’importance de l’entraide familiale

En 2019, Soha est âgée de 45 ans. Issue du quartier de Sheikh Radwan, elle travaillait comme comptable dans le bureau d’ingénierie d’un ami de son beau-père, Abu Haidar, avant d’arrêter à la suite de son mariage à l’âge de 24 ans, et à l’arrivée de deux jumeaux. Elle pensait pouvoir reprendre son activité plus tard, mais le bureau accuse une diminution d’activité. Soha se rapproche alors de l’association de femmes du quartier, qui dispense des cours de gestion et de finances afin d’aider de jeunes femmes à gérer leur budget. Elle y donne des cours gratuits en échange de bons humanitaires et de denrées que l’association reçoit au titre d’aides aux familles. Après l’instauration du blocus, Soha évoque la manière dont sa situation a évolué :

« Abu Haidar, le père de mon époux, est mukhtar[12]. Il a des obligations liées à cette position honorifique. Il est à la retraite depuis 2015 et c’est mon mari, Haidar, qui épaule la famille dans tous ses besoins. Nous ne pouvions pas devenir un poids pour lui. Il vieillit et est habitué à être respecté par tous, famille et voisinage. Les parents de Haidar sont devenus de véritables parents pour moi. Abu Haidar ne peut pas supporter l’idée de s’endetter, alors c’est nous qui nous endettons pour lui. Un des frères de Haidar doit obtenir son diplôme, l’autre effectue sa dernière année scolaire, il a besoin de livres et d’argent de poche pour les transports. Ce n’est pas facile d’acheter de la nourriture au quotidien. Haidar (Abu Khalil), mon mari, est fatigué de tant de dissimulations. Notre moune[13] s’est épuisée depuis longtemps. Nous achetons au jour le jour à crédit, comme la plupart des familles du voisinage. Un crédit que je prends soin de réduire partiellement à la fin du mois. Nous vivons et mangeons avec ma belle-famille. S’il y a eu des mésententes ou des frictions quand nous avons emménagé chez eux, vivre ensemble m’a permis de mieux connaître ma belle-mère et de lui montrer ce dont je suis capable pour aider à satisfaire les besoins au quotidien. Nous [elle et sa belle-mère] avons obtenu sans problème un crédit chez l’épicier et un autre chez le pharmacien, du fait du statut de la famille. J’ai de la chance parce que Haidar aide sa mère à la maison et prend soin des études des enfants. Haidar et ses frères trouvent du travail sporadiquement, alors c’est ma fille aînée et moi qui fréquentons discrètement les associations du quartier pour obtenir des bons alimentaires et nouer des contacts avec d’autres associations qui me connaissent déjà par mon travail de formation dans la gestion des finances. Mais sans l’harmonie familiale et la bonne volonté de ma belle-mère, je ne pourrais pas avoir accès à autant de ressources ! »

Umm Hassan, les tensions familiales et la fragilisation des couples 

Umm Hassan, promotrice sociale dans une ONG locale, a 48 ans ; elle habite à Beit Hanoun. Elle est mariée avec Nabil, ingénieur de formation, ils ont cinq enfants. En 2020, un seul habite encore chez eux. Nabil traverse une période de dépression depuis son arrêt de travail. Je rencontre Umm Hassan en 2020 ; elle évite de parler d’elle-même et de sa relation de couple et il me prend du temps pour arriver à lui faire exprimer ses sentiments intimes. Elle partage :

« Mon mari travaillait dans un bureau d’ingénierie. Il aimait son travail et percevait un bon salaire. Il était dehors toute la journée. Tout à coup, son activité s’est considérablement réduite. Après une vie très active, la nouvelle routine, tout à fait différente, est devenue partie intégrante de notre quotidien, par force, parce qu’il sent qu’il n’a pas d’autre choix. Il fait de gros efforts pour trouver des petits travaux de réparation dans le voisinage, occuper son temps et gagner un peu d’argent. Il sort de la maison et rencontre des gens avec qui il converse. Il n’est pas très doué pour aider notre fils, qui est encore à l’école, tandis que ma belle-mère ne sait pas lire. S’il se sent bien, Nabil prend parfois le temps de s’asseoir avec lui, mais ce n’est pas la norme. Comme promotrice sociale dans l’ONG où je travaille, j’ai droit à un per diem et j’accède à des bons d’aide humanitaire. Mon activité justifie mes sorties quotidiennes et me permet de façon discrète de contribuer aux besoins de la maison. Mes principaux soucis sont l’éducation de notre dernier fils et les problèmes de santé développés par Nabil quelque temps après son arrêt de travail. En plus de ses phases dépressives, sa condition cardiaque se dégrade quand il est sous pression. Nabil souffre de phases de dépression, il s’enferme dans une chambre, surtout pour éviter sa mère, une dame âgée qui ne peut plus sortir et désapprouve mes sorties quotidiennes. Elle fait pression sur Nabil pour qu’il me contrôle mieux. Il connaît les raisons de mes sorties, mais il ne veut pas l’ennuyer en lui rappelant la situation. Avant, le pouvoir de la belle-mère, veuve, n’était pas contesté, mais maintenant quelqu’un doit bien pourvoir aux besoins de la famille et c’est moi, la belle-fille ! »

Après des mois de contacts fréquents, de rencontres et des appels téléphoniques, j’ai réussi à gagner sa confiance et à sonder quelque peu son intimité.

« Je préfère ne pas penser à ce qui passe dans notre couple. Après des années d’intimité inébranlable, les non-dits se multiplient et deviennent presque la norme. Il accomplit son devoir d’époux dans notre lit, mais à cause de la nouvelle routine, je crois qu’il considère cette tâche comme une obligation. Bien qu’il me fasse sentir que j’ai son soutien, il semble absent et taciturne. Mes voisines parlent de leurs problèmes de couples avec facilité. Pour moi, il s’agit de mon intimité et je me sentirais mal à l’aise de parler de lui. Elles se plaignent du manque de performance sexuelle, mais ce n’est pas notre cas. Pour moi l’enjeu est plus flou… »

Sahar, entre prise en charge de l’économie familiale et violence masculine

Je rencontre Sahar en 2004 alors qu’elle attend sa première fille. Elle habite dans une tour à Rimal où elle fait le ménage pour trois personnes. Sahar est la plus jeune fille d’une famille pauvre de Shajaiya, elle est la durra (deuxième épouse) de Mahdi, un réfugié qui a peiné à convaincre la famille de Sahar et la sienne de permettre leur union[14]. Sahar ne connaissait pas la première épouse de Mahdi, Yusra, avant son mariage. Elle savait seulement qu’elle était un peu plus âgée qu’elle et qu’elle venait tout juste de finir son tawjihi (bac palestinien). Tout en éprouvant un sentiment de culpabilité en devenant la durra, Sahar ressent de la jalousie envers Yusra, qui a eu la possibilité d’étudier, tandis qu’elle n’a pas pu terminer son école secondaire. De l’union avec Mahdi, Sahar a deux filles qui vivent encore dans la chambre de la tour à Rimal où Mahdi est gardien. Elle sort travailler en laissant ses filles aînées à Yusra et parfois à ses parents, à Shajayia. Peu après le conflit de 2012, un des locataires se plaint de Mahdi, qui perd son poste. Il perd du même coup la chambre où le couple était modestement installé, dès lors contraint d’aller vivre chez la mère de Mahdi. C’est à ce moment qu’une solidarité s’instaure entre les deux épouses. Alors que Sahar devient la principale source de revenus pour la famille, c’est Yusra qui prend soin des enfants avec sa belle-mère. Sahar m’explique :

« Après deux semaines, Mahdi n’a rien trouvé. J’ai décidé de me rendre dans l’immeuble et de continuer à faire le ménage. La dame étrangère a besoin de mes services deux fois par semaine, ce qui me fait quatre jours de travail hebdomadaire, en laissant les enfants chez ma belle-mère. Sans son soutien, je n’aurais pas pu travailler. Parfois, je laisse les filles, surtout la petite, avec Yusra, bien que je ne lui fasse pas confiance parce que notre relation n’est pas bonne. Je crains qu’elle ne prenne soin que de son enfant et néglige les miens. Quelques semaines plus tard, la femme étrangère m’a invitée à venir sur son lieu de travail, une ONG internationale qui souhaite recruter une deuxième personne pour l’entretien de ses bureaux. Je suis embauchée, avec un salaire et une assurance santé ! Folle de joie, je cours annoncer la bonne nouvelle à ma belle-mère, qui s’en réjouit. Yusra fait des commentaires positifs à propos du fait que nous allons avoir plus d’argent, mais la réaction de mon mari est plutôt froide. 

(…) Mes deux premiers salaires nous permettent de contracter un crédit chez l’épicier du coin et un autre à la pharmacie ; là, je demande à ma belle-mère l’autorisation de faire construire une chambre sur le terrain qui entoure la maison pour loger les enfants. Elle soutient ma démarche, aussi, je fais appel à mon frère, un professionnel du bâtiment, pour les travaux. La guerre de 2014 paralyse tout. Mais je garde mon poste et, en 2015, j’avance selon mes plans. En 2019, pour mes trois filles, Yusra et son fils, je suis parvenue à construire deux chambres et à réparer la toiture de la maisonnette. Mais plus je me rapproche de ma belle-mère en bénéficiant de son soutien, plus ma relation avec Mahdi se détériore. Nous sommes passés par une période affreuse : Mahdi ne quittait plus le lit ; s’il en sortait, c’était pour me battre ou frapper les enfants. Je n’ai pas voulu le quitter à ce moment-là parce que je comprenais sa frustration liée à la perte de son travail et au fait qu’il n’en avait pas retrouvé depuis. Il ne supportait pas cette humiliation, qui le rendait alors violent. Les enfants n’avaient plus de respect pour lui. Il n’avait rien à leur apporter. Je ne savais plus quoi faire. J’ai caché le fait qu’il nous frappait, car je peux comprendre son désespoir de dépendre de moi, même pour acheter ses cigarettes. Il se sent humilié. Jusque-là, c’était lui le responsable de la maison…

Un jour, Mahdi m’a frappée tellement fort qu’il m’a laissée à terre, un bras disloqué, mes filles se sont échappées de la maison pour informer mes parents. Aux yeux de ma fille aînée, il avait dépassé les bornes, elle a pris peur pour moi comme pour nous tous. L’un de mes frères est venu nous chercher et nous avons quitté la maison pour nous réfugier chez mes parents. Je rends grâce à Dieu de n’avoir pas de fils. Je me demande quelle sorte d’éducation je pourrais lui offrir s’il était témoin des violences de son père. Comment lui enseigner le respect envers la femme dans ces conditions ? »

Sireen, le choix du divorce

Sireen a 32 ans en 2012. Mère de deux enfants, elle est chargée des finances dans une ONG internationale. Avec son époux, Antar, ils appartiennent à des familles locales respectées, mais pour autant touchées de plein fouet par les effets délétères de l’inactivité d’Antar, qui ne tarde pas, lui aussi, à adopter des comportements violents. Sireen raconte leur rencontre :

« On s’est rencontré en 1998 lors d’une fête de mariage. Nous avons dansé toute la nuit. C’était le coup de foudre… J’étais folle amoureuse de lui pendant plus d’un an. Il avait demandé à ses deux tantes qui habitent à Gaza le droit de me rendre visite. Il est venu chaque nuit pendant un mois et m’envoyait des roses rouges tout le temps, au désespoir de ma mère qui ne savait plus quoi faire avec tant de fleurs ! Puis, brusquement, il est parti pour Rabat pendant des mois, sans rien nous dire. C’était un affront à ma famille. Au bout d’un long moment, toujours sans nouvelles de lui, j’ai recommencé à sortir avec des amies, sans parvenir toutefois à l’oublier… Un beau jour, sans prévenir, il est revenu en envoyant une nouvelle fois ses tantes pour me demander en mariage… Ma famille a accepté malgré l’affront qu’il nous avait fait. Ce fut un beau mariage et nous étions heureux… Nous avons deux fils qui font notre joie.

Elle se remémore les années 2006-2007 :

J’essaie de me rappeler quand le changement d’Antar a eu lieu (…) Il y a d’abord eu du désordre, et peu après des attaques liées au coup d’État armé de juillet 2007[15]… D’un jour à l’autre, notre vie semblait s’effondrer (…). Quelques semaines après, la décision de l’Autorité palestinienne est tombée. Le personnel, surtout le plus haut placé, ne devait plus se rendre au travail tout en continuant à être payé. Antar ne pouvait donc plus se présenter au cabinet. Il aimait son métier d’avocat. L’inactivité le tuait à petit feu, car il ne pouvait pas envisager de faire autre chose. Pour tuer le temps, il allait au club de sport avec ses amis. Puis, peu à peu, il est devenu très jaloux et m’a rendu la vie misérable. Je n’étais autorisée à sortir avec personne sans lui, sauf pour me rendre au travail. Je pouvais aller voir ma mère en lui demandant la permission. Lui s’est rendu dans sa famille au Maroc avec notre aîné sans se soucier que je signe le permis de sortie. Je me suis rendu compte qu’il pouvait sortir librement avec les enfants dès lors qu’ils détenaient un passeport marocain, ainsi qu’une résidence au Maroc. J’avais peur qu’il ne revienne plus à Gaza ! 

(…) Depuis six mois, je dors avec mes deux enfants. Je ne peux pas supporter qu’il me touche. Il m’étouffe par sa présence, mais attend quand même que je me montre sexuellement consentante avec lui ! Son comportement est devenu erratique… Parfois, je pense que les choses s’améliorent et puis il change à nouveau. Une nuit, il est devenu méchant et m’a insultée, affirmant que j’avais tué son fils volontairement (Sireen a fait une fausse couche quand il était en voyage). Il m’a bousculée et je suis tombée par terre en heurtant ma joue sur la table, je me suis blessée. J’ai pris la voiture et suis partie chez ma mère avec les enfants. J’y suis restée deux semaines. C’était la deuxième fois que je le quittais comme ça […], c’est alors que j’ai songé au divorce. Antar a de la chance ! Ma mère et ma famille l’adorent et l’excusent du fait du manque d’activité qui l’affecte profondément et modifie son comportement. Moi, je ne peux plus l’excuser. Je vais finir par le quitter, mais j’attends pour cela que ma mère et mes frères comprennent que je n’ai pas d’autre choix. 

Je pourrais quitter mon mari et enfin me libérer de ma souffrance en effectuant une déclaration à la police et en me réfugiant chez ma mère. Antar serait furieux que je porte plainte contre lui pour maltraitance et un scandale éclaterait. Depuis la mort de mon père, je dois faire attention à mon image dans la société. Dans notre structure patriarcale traditionnelle gaziote, le pilier de soutien est le père. Maintenant, c’est mon frère aîné, qui doit assurer la protection de mon image et celle des enfants. Mes frères n’excusent pas la violence d’Antar envers moi, mais en même temps, ils veulent à tout prix éviter le scandale d’une séparation. Ils ont également peur parce que la condition de femme divorcée avec enfants est suspecte[16]. J’étais consciente que la “situation” n’allait pas changer du jour au lendemain, et que je devrais prendre une décision tôt ou tard, mon mari demeurant malgré tout le protecteur de la famille et de mon image. Malgré le fait qu’il me frappait et m’agressait verbalement, je préférais encore cette situation à la perspective de rester seule. Je cherchais un motif solide pour le quitter, qui pourrait convaincre ma famille de me soutenir dans mon choix. Autrement je n’aurais pas pu le quitter. Finalement, j’ai découvert qu’il s’était marié et avait rendu son mariage public. Ainsi, c’est lui qui a précipité les choses en me fournissant un motif légitime de séparation. 

Je lui parle encore après le divorce en 2016 :

C’est mon lot et je n’ai pas le temps de me plaindre… Je recommence à croire en la vie avec un avenir meilleur. La liberté à Gaza a des contraintes… je pense aux films égyptiens de Faten Hamama, “Je suis libre” et aux romans de femmes comme Leila Baalbaki et je me rends compte que dans ma réalité, l’idée d’une femme libre n’est qu’un rêve romanesque… J’ai des enfants et des obligations envers eux. Avec ma mère, je commence à rendre visite à quelques familles pour rétablir les liens sociaux que j’ai suspendus par peur des ragots, et pour permettre à mes enfants d’avoir des amis avec qui grandir. Un jour, eux aussi devront se marier et je dois être en mesure de chercher une épouse convenable pour chacun d’eux. »

 

 

 

 

Bibliographie

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[1] ROY, Sara. 2004. The Gaza Strip, the political economy of de-development, Washington (DC), Institute of Palestine Studies, 1re éd. 1995, 65-70.

[2] BENDELAC, Jacques. 1999. L’Économie palestinienne, de la dépendance à l’autonomie, Paris, L’Harmattan, 17-22. 

[3]Avec ce terme, je me réfère à la fermeture des frontières avec Israël qui empêche le mouvement de personnes et les échanges commerciaux.

[4] L’économie de Gaza est durement frappée. Le travail agricole souffre particulièrement de la destruction des infrastructures et des meilleures terres pour la production agricole près des frontières.

[5] Donnée publiée par l’UNRWA, voir la page web : https://www.unrwa.org/2014-gaza-conflict

[6] Report of the Independent Commission of Inquiry on the 2014 Gaza Conflict - A/HRC/29/52 ; Report of the detailed findings of the Commission of Inquiry on the 2014 Gaza Conflict A/HRC/29/CRP.4.

[9] Le système de crédit consiste à contracter des dettes dans différents commerces de quartier comme l’alimentation générale, le marchand de fruits et légumes ou la pharmacie. Le montant accordé dépend de la réputation de la famille. Les dettes ne sont jamais remboursées totalement.

[10] Bien qu’elle fasse du bénévolat, elle a accès aux bonds de nourriture et d’autres denrées de première nécessité qui arrivent à l’organisation.

[11] Hanan parle des élections législatives de 2006.

[12] L’institution du mukhtar nommé aussi le kbir (grand, pour vieux) pendant l’Empire ottoman fonctionnait comme intermédiaire entre une ou plusieurs familles du village et l’autorité centrale ; il était chargé de certaines tâches administratives, et il avait aussi la responsabilité de résoudre les problèmes afin de maintenir la sécurité. Aujourd’hui, le mukhtar est une personne âgée, connue pour sa sagesse, respectée au niveau communautaire et qui participe à la résolution des conflits entre familles et communautés.

[13] Chambre des provisions dans les maisons palestiniennes, appelée moune, la réserve. Aujourd’hui, quelques maisons disposent encore de cette pièce pour conserver les vivres.

[14] Sahar appartient à une famille de locaux, tandis que Mahdi vient d’une famille de réfugiés à Nuseirat.

[15] Après le succès du Hamas aux élections législatives, le gouvernement israélien, les États-Unis et la Commission européenne se déclarent contre le Hamas considéré comme une organisation terroriste. À leur tour, les organisations internationales gèlent les projets en cours. Le Hamas prend le pouvoir par la force en 2007. Maints de mes contacts considèrent que depuis ce moment, Israël impose un blocus hermétique. C’est alors que les effets dramatiques du blocus sur la société gaziote se font sentir.

[16] Une femme que le mari ne veut plus. La communauté considère le divorce comme stigmatisant parce qu’on va penser qu’elle n’était pas une bonne épouse et c’est là la raison du divorce.

About the author(s):
Elena Qleibo:

Elena Qleibo est une anthropologue qui a vécu et travaillé pendant une douzaine d’années dans la bande de Gaza, menant des recherches sur les dynamiques sociales tout en exerçant en tant que professionnelle de l’humanitaire. Jusqu’à la fin de l’année 2020, elle a occupé le poste de chef de mission pour la Palestine au Secour Islamique France, intervenant aussi bien à Gaza qu’en Cisjordanie. Elle est chercheuse associée à l’Ifpo Amman, et membre de la communauté du Centre de compétence en négociation humanitaire depuis avril 2020. Elle a publié Gaza s’en sortir, sans sortir. Ethnographie de la vie quotidienne sous le blocus, Éditions Croquant, 2020.